CRÉPUSCULE

Par Juan Branco

http://branco.blog.lemonde.fr/files/2019/01/Macron-et-son-Crepuscule.pdf

https://la-bas.org/la-bas-magazine/entretiens/Juan-Branco-desosse-Macron


2

.. Cette enquête sur les ressorts intimes du pouvoir

macroniste, écrite en octobre 2018, .

 

Remarquez la chose suivante. Aucune parole institutionnelle, dans

les médias, les partis politiques ou ailleurs, ne se fait la porteuse de

ce désir de destitution, alors que, nous l’avons vu, il concerne a minima

la moitié de la population. Aucun, à l’exception des gilets

jaunes que l’on invite et traite avec folklore pour les décrédibiliser

sur les plateaux télévisés, ne s’est saisi de cette revendication principielle.

4

Ce qu’il s’agit pour nous maintenant de démontrer, c’est qu’Emmanuel

Macron a été « placé » bien plus qu’il n’a été élu. Que la presse

a agi en ce domaine avec complicité.

*

. Nous allons montrer comment un être,

Jean-Pierre Jouyet, que tous les journalistes politiques connaissent,

sur lequel aucun n’a enquêté en ses rapports à la Macronie3, comment

cet être a fait, avec Henry Hermand – millionnaire chargé de

financer la vie privée de Macron – et Xavier Niel, le Président Macron.

…………………

Le pouvoir présidentiel entre en son crépuscule.

Cet élément est le suivant, et se décompose en deux temps : Xavier

Niel et Emmanuel Macron sont amis longue date, et le premier

a mobilisé sa fortune et son réseau pour faire élire le second

alors que celui-ci était encore un parfait inconnu. Que Xavier

Niel soit le propriétaire du groupe Le Monde, mais aussi de

l’Obs et possède des participations minoritaires dans la quasitotalité

des médias français n’étant pas détenus par un autre

oligarque, y compris Mediapart, n’est probablement pour rien

dans le fait que nos journalistes, fort pudiques, n’aient jamais

révélé leurs liens, et a fortiori que ces liens auraient nourri la mise

à disposition de certaines de ses ressources au service de

M. Macron, qui auraient dû être comptabilisés en argent comptant.

Pourtant, cette mise à disposition remonterait a minima à

l’orée des années 2010. Soit entre trois à six ans avant l’élection

de M. Macron.

L’élément n’est pas anodin. Outre l’évidente infraction au code

électoral et aux réglementations sur les frais de campagne

qu’implique la mise à disposition des moyens d’un milliardaire

à un candidat sans déclaration quelconque, rappelons que la

fortune de Xavier Niel est directement dépendante des décisions de nos gouvernants – il suffirait à l’État de retirer les licences

téléphoniques octroyées à Free pour que sa fortune s’effondre

immédiatement. Sa dépendance à l’égard du pouvoir

politique, immense, est d’ailleurs telle que François Fillon aurait

décidé de l’octroi d’une licence téléphonique à Free – faisant

exploser la capitalisation boursière de Free, dont M. Niel

est propriétaire à plus de 50% encore – dans le seul but d’« emmerder» Nicolas Sarkozy (décidément).

En effet M. Sarkozy détestait M. Niel, qui le lui rendait bien,

l’amitié que le premier vouait à Martin Bouygues, qui voyait

son empire trembler du fait du second, n’y étant pas pour rien.

M. Fillon, dans sa guerre larvée à l’encontre de celui qui l’avait

nommé, avait trouvé là matière à vengeance, et peut-être, à

faire trembler l’un des appuis de celui qu’il trahirait.

Il invite et toise alors ces camarades de cordée6 en

un restaurant proche de la Madeleine, leur fait tout un numéro

visant à leur donner l’impression qu’ils pourraient s’allier, et

s’assure du maintien de liens cordiaux qui par la suite il n’hésitera

pas à mobiliser.

Aurait-on identiquement voté, si

l’on avait su que ce jeune admirable, touché par la grâce et sorti

de nulle part par la seule force de son talent, était en fait propulsé

par l’un des hommes les plus puissants et les plus influents

de France, dont on se doute qu’il n’agissait pas sans intérêts,

avant même qu’il ne fut aux Français présenté ?

…….

L’on s’étonne d’autant plus que c’est bien chez Xavier Niel, au

sein de la très vantée Station F – construite à Paris avec l’appui

de la maire de Paris, Anne Hidalgo, auprès de qui Xavier Niel a

introduit son missi dominici Jean-Louis Missika, compagnon de

route de Free depuis la première heure et nommé opportuné

ment premier adjoint d’une Maire dont le second adjoint, Christophe

Girard, est parallèlement employé d’un autre oligarque,

Bernard Arnault, dont nous reparlerons – ; c’est donc au sein

de cette très vantée Station F construite à l’aide de la puissance

publique et pourtant toute dédiée à la gloire de Xavier Niel

qu’Emmanuel Macron a été accueilli à plusieurs reprises et a

même parlé de ces « riens » que l’on croiserait dans les gares,

ces citoyens réduits, contrairement à lui et à ses acolytes, à

prendre RER et métro.

 

Ainsi apprend-on dans l’ouvrage que c’est Xavier

Niel qui a offert à Michèle Marchand de s’occuper de l’image

d’Emmanuel Macron et de sa femme, lors d’une rencontre organisée en son hôtel particulier avec cette dernière.

Cet hôtel particulier où se déroula cette rencontre cruciale,

n’est rien de moins qu’une réplique marbrée du Grand Trianon.

Mimi Marchand, la reine de la presse people, condamnée pour

trafic de drogues – elle fut interpelée conduisant un camion

doté de 500 kilogrammes de haschisch – s’est fait prendre en

photo dans le bureau de M. Macron en juillet 2017.

Celle qui n’hésite pas à exposer l’intimité des gens pour les intimider

et à utiliser ses sources pour détruire sur commande

tel ou tel individu, a été la personne en charge d’introniser M.

Macron auprès des Français. Mimi Marchand, ou la marchande

de secrets ayant fait les beaux jours de la presse people depuis

vingt ans, capable de faire taire une information, fut-elle d’intérêt

public, en quelques instants, de montrer et d’exposer des

corps nus pour les humilier ou les consacrer.

Pour peu qu’on la paye bien.

Mimi Marchand et ses jours de prison, ses réseaux dans la mafia

et la police, ses hommes de main et paparazzi, ses menaces

et ses violences, ses enveloppes d’argent liquide qui en ont

achevé plus d’un, est une très proche d’Emmanuel et de Brigitte

Macron.

Et cette même Michèle Marchand a été présentée à Brigitte Macron-

Trogneux par son « ami » Xavier Niel, dans son hôtel particulier,

afin de faire taire une information, et de transformer

16

Emmanuel Macron, alors illustre inconnu, riche banquier ayant

utilisé les réseaux de l’Etat pour faire sa fortune, s’interrogeant

sur son avenir, le transformer en un gendre idéal, et susciter

une sympathie que rien dans son parcours ne faisait naître.

Mais comment un seul individu, une femme comme Mimi Marchand

aurait-elle pu, seule, ou avec l’appui d’un seul milliardaire,

provoquer une telle conversion ? Cela semble trop gros.

Et cela l’est. Il se trouve en effet que nous commençons à recouper

les choses et les non-dits qui habitent ces enquêtes. Le propriétaire

de Paris Match, Arnaud Lagardère, dont les auteurs

disent que Mimi Marchand est la véritable directrice de la rédaction,

a par ailleurs été client d’Emmanuel Macron pendant

sa période à Rothschild, ce qui n’est pas dit dans l’ouvrage. Il se

trouve, comme l’a raconté Vanity Fair, que l’homme de main de

M. Lagardère dans les médias, un certain Ramzy Khiroun, fut

mis à disposition de M. Macron par Arnaud Lagardère dès sa

nomination en tant que ministre de l’économie, pour s’occuper

de sa communication. Et que c’est donc l’alliance de Mimi Marchand

et de Ramzy Khirou, de Niel et de Lagardère, qui a permis

la mise en oeuvre de cette opération de communication.

M. Lagardère est l’héritier d’un immense empire que par sa médiocrité

il a fait pas à pas dépecer. La fortune de sa famille a été

faite par l’État.

*

17

C’est pourquoi quelques jours plus tôt avait été proposé

le recrutement de Mimi Marchand à l’Élysée aux services

administratifs du palais, qui avaient rechigné. Arnaud Lagardère,

lui, acquiescerait.

Pourquoi cela n’est pas dit dans l’ouvrage Mimi, comme il n’est

pas dit qu’Arnaud Lagardère a été le client – failli - d’Emmanuel

Macron, et que M. Khiroun et ses berlutti en a été le missi dominici

? Parce que l’éditeur de cet ouvrage, Grasset, est propriété

d’Hachette, qui a été racheté par une holding nommée Lagardère

Active, dont le propriétaire est un certain Arnaud Lagardère,

et dont le directeur effectif est un certain Ramzy Khiroun.

Et l’on commence à comprendre pourquoi en ce pays personne

ne comprend rien, tandis que tous sentent tout. Car l’espace public

français est traversé de semi-compromissions qui empêchent

quiconque d’avoir l’indépendance suffisante pour tout

raconter : tous ont une affinité, un lien, une dépendance à l’un

des pans de ce système qui les empêche de recouper ou d’énoncer.

Et tous, du coup, doivent tronquer la vérité.

*

Reprenons. Coup sur coup, l’on a « découvert » – un peu tard,

notera-t-on, nous ne sommes après tout qu’en septembre 2018

– qu’outre le fait que Xavier Niel et Emmanuel Macron étaient

amis depuis des années – ce qui ne se disait pas – ; que cette

18

amitié avait été mise au service d’un projet politique et avait

mis en branle une machine de propagande huilée, financée par

M. Niel et appuyée par M. Lagardère en dehors de toute règle

électorale, au moins à partir de 2016, probablement bien

avant ; et que cette machine de propagande a joué un rôle de

première ampleur dans l’élection présidentielle de 2017, en

permettant l’obtention de dizaines de Unes de presse people,

de Paris Match dont nous venons de parler à Gala, Closer et

VSD, au profit d’un inconnu propulsé par là-même au cénacle

des personnalités éligibles.

Mais cela va plus loin : ce que nous avons découvert, c’est que

ces Unes de presse ont été vendues par Mimi Marchand à des

magazines détenus pour grande partie par des oligarques qui

avaient été en liens d’affaires avec le futur Président de la République

spécifiquement. Qu’il y a tout à penser que cela a été

fait parce que tous y trouvaient intérêt, et non seulement parce

qu’ils étaient séduits par la couleur des yeux du futur Président

et la beauté du couple qu’il formait avec Brigitte Macron.

Et cela, nous l’apprenons alors que nous savons par ailleurs que

ces magazines ont accepté, et cela sans que personne ne s’en

offusque vraiment – c’est-à-dire lui donne une importance suffisante

pour le faire censurer – de publier des « fausses exclusivités

» et des « fausses paparazzades » fabriquées de toutes

pièces par l’agence de Mimi Marchand, Bestimage.

19

Qu’en somme, M. Macron a été présenté sur papier glacé tout

en prétendant qu’il ne le voulait pas et n’y pouvait rien, et que

les Français, croyant découvrir des images spontanées, ont découvert

des images fabriquées, fabriquées et financées par certains

des hommes les plus puissants de France pour leur présenter

un couple idéal qui servirait leurs intérêts.

. Nous pensons à quelques autres affaires

qui, touchant Léa Salamé comme elles touchèrent Michel Field,

pourraient avec un peu de courage être bientôt publiées.

 

Michèle Marchand – qui posa, on le rappelle puisqu’ils le révèlent,

faisant le V de la victoire dans le bureau du Président de la

République française, celui-là même qui pour la première fois

fut aménagé par le Général de Gaulle – cette femme-là donc qui

avait été arrêtée conduisant un camion empli de cinq-cents kilogrammes de drogue quelques années plus tôt – ont étrangement oublié de mentionner quelques autres éléments que nous connaissons pourtant, dont eux aussi sont au courant, exactement de la même façon que leurs collègues auparavant cités

avaient oublié de mentionner - au nom de la pudeur et de la vie

intime, de la bienséance ou de l’insignifiance - les éléments concernant les rapports entre Niel et Macron qu’ils connaissaient,

privant le peuple français d’informations cruciales à l’heure de

se décider.

Et là, nous commençons à nous inquiéter.

 

Puisque le sort de M. Lagardère, oligarque dont nous montrerons

l’extension de l’influence plus en avant, est réglé, continuons

par cet autre chemin : à savoir que cette même Michèle

Marchand fut aussi chargée de contrôler l’image – c’est-à-dire

de faire taire toute information compromettante le concernant,

au détriment du bien commun – d’un autre oligarque, un certain

Bernard Arnault, première fortune de France, quatrième

fortune du monde, doté de 70 milliards de patrimoine et propriétaire du groupe de luxe LVMH. Cela pourrait sembler au

premier abord aussi insignifiant que « l’amitié » entre Niel et

Macron, si l’on oubliait de préciser une autre information que

la bienséance et les conventions bourgeoises amènent le plus

souvent à esquiver : à savoir que le maverick, le rebelle,

l’homme du peuple Xavier Niel, vit en concubinage avec Delphine

Arnault, fille et héritière de Bernard Arnault.

Rappelons à ce stade que M. Arnault, qui est par ailleurs un grand propriétaire de médias – sans raisons prétendrait-il là aussi – est aussi le premier annonceur de France. Qu’il détient par cela un droit de vie et de mort sur n’importe quel média. Qu’il n’a pas hésité à faire retirer des publicités des quotidiens qui lui déplaisaient –les menaçant ainsi de faire faillite, afin de leur faire comprendre ce qu’ils auraient à payer si jamais ils décidaient de s’y attaquer. Qu’il est par ailleurs ce même Bernard Arnault qui,

détenteur d’une fortune permettant de faire vivre plusieurs nations, a voulu s’exiler fiscalement pour favoriser l’héritage de

ses brillants enfants – et s’indigna qu’on le lui reprocha. Qu’il

est enfin celui-là même qui a recruté l’ancien directeur des services secrets de notre pays,

celui-là même qui n’hésita pas à affirmer il y a quelques temps qu’il regrettait de ne pas avoir, au

long de sa vie, gagné plus d’argent.

*

Sur cet être, l’un de ces autres faits « connus du tout Paris » et

pourtant masqués au reste de la population au prétexte que

cela ne la concernerait pas, n’est pas anodin, et nous allons voir

pourquoi. L’un de ces faits qui ne présenterait pas le moindre

enjeu démocratique et justifierait d’être tenu éloigné des

« gens », fut cependant exposé par un certain Jean-Jacques

Bourdin lors du fameux entretien du Trocadéro qu’il mena avec

M. Plenel face au Président. Sous les regards attentifs de tout le

pays, M. Bourdin se permit alors l’indécence : à savoir révéler

que le principal bénéficiaire en France des politiques fiscales

mises en oeuvre par Emmanuel Macron entretenait avec sa

femme et avec lui des rapports intimes, qu’il était en somme

leur ami, et que le principal bénéficiaire dont nous parlons

n’était rien moins que… Bernard Arnault.

Indignation générale ! Cachez ce sein que nous ne saurions voir

! Scandale et médiocrité ! Non, vous ne vous trompez pas : ce

ne fut pas ce rapport qui suscita curiosité et indignation, mais

le fait qu’il eût été énoncé.

Au nom de quoi un tel fait aurait-il à être exposé ? 

Nous serionsnous à ce point abaissés ? Le Président n’a pas d’ami, c’est

même lui qui le dit ! Le cirque médiatique qui s’enclencha aurait

fait rire qui se montrerait en mesure d’oublier les drames

que ces compromissions, cet esprit veule et soumis, 

cette fantastique capacité à adhérer à l’ordre pour quiconque sentirait

qu’il se trouve sur le point d’être exposé, provoquent par ricochet.

Drôle de phrasé d’ailleurs qu’eut le Président pour y répondre,

« je n’ai pas d’amis », d’autant plus si l’on connaît

quelques peu un certain Xavier Niel, qui depuis des années ne

cesse de répéter : « comme tous les riches, je n’ai pas d’amis ».

 

On ne sait par quelle métempsychose la parole de Niel est devenue macronienne 

– enfin, on ne le saurait pas, si l’on n’avait

su qu’ils étaient amis – mais dans le même temps, on l’aurait

peut-être compris, si l’on avait cherché à entendre celui qui ne

cessait de dire qu’il fallait rêver d’être milliardaire. Anecdote

insignifiante, que la porosité de ce discours. Et pourtant.

Revenons à la factualité, écartant un instant les discours en

commun disant communauté de vue, et les politiques qui chez

l’un financent l’autre – on ne mentionne pas, puisque ce n’est

pas notre sujet, ce que M. Niel avait obtenu chez Madame Hidalgo

avant de se servir chez M. Macron – comme l’on ne mentionnera

pas la litanie délirante de politiques publiques mises

en oeuvre par M. Macron pour protéger ceux qui l’ont fait monter.

Ce serait prétendre à cette vision si étrange qui ferait qu’in

fine, ces êtres seraient sans idées et ne penseraient la politique

qu’à travers leur prisme, c’est-à-dire à travers ce qui servirait

leurs intérêts. Ce serait rompre avec une vision marxiste que

nous considérons déphasée, qui fait des grandes multinationales

des molochs sanguinaires et désincarnés, là où, en traversant

ces espaces, nous n’avons vu que des intérêts privés capables

de se mobiliser et de se projeter à partir seulement de

leur situation, ce qui explique la fragilité et la faiblesse, l’absence

de hauteur de vue de ces politiques qui in fine desservent

à long-terme les grandes institutions, qu’elles soient publiques

ou privées, pour renforcer seulement les destinées de ceux qui

les président. Ce serait sortir d’un complotisme un peu vain

pour exposer la médiocre humanité d’individus à qui l’on avait

cru une toute puissance machiavélique. Ce serait les dégrader.

Contentons-nous donc de la factualité, et là encore, étonnonsnous.

Chose étrange ! Car nous découvrons que le directeur de

la rédaction de Mediapart, qui a opiné du chef à l’affirmation de

M. Bourdin, savait donc que M. Arnault et M. Macron étaient

amis, et ne l’avait pourtant, en un courageux média n’ayant jamais

douté à exposer la vie privée des puissants, jamais écrit ni

publié. Non seulement cela, mais à peine son collègue se contentait-il de l’énoncer 

que l’indignation tombait et qu’on lui reprochait cette incursion, sans que M. Plenel ne dît mot. Seraitce

parce que la conjointe de l’homme chargé d’étudier la caste

chez Médiapart, Laurent Mauduit, avait jusqu’en 2017 un poste

important dans l’un des groupes où M. Arnault détenait d’importantes participations, 

Carrefour, que l’on en avait rien dit ?

Ou parce que le gendre de M. Arnault, Xavier Niel, avait investi

en son média ? Il est permis d’en douter – c’est ce qui fait l’horreur

de ces conflits d’intérêt contre lesquels Mediapart s’est

érigé en censeur. Nous n’y croyons pas, mais nous sommes

obligés de le signifier.

Car au-delà de ces suppositions s’impose un fait : face au candidat

de l’oligarchie, et malgré ses très nombreuses enquêtes

fouillées, malgré l’accumulation de factualités que Médiapart a

brillamment permis de révéler, le quotidien ne s’était à aucun

moment élevé éditorialement parlant comme il le ferait contre

bien d’autres politiciens, et s’était même montré agréablement

complice de M. Macron lors d’émissions télévisées de fin de

campagne qui auraient fait rougir un quelconque partisan. Que

ce soit le fait de déterminismes sociologiques ou de la vieille

aversion personnelle que M. Plenel avait pour l’autre candidat

que Mediapart aurait pu appuyer, M. Mélenchon – aversion

dont on ne parle également jamais – importe peu. M. Macron,

pour fautif qu’il était, ce que les journalistes de Mediapart ne

cessèrent de démontrer, ne fut à aucun moment éditorialement

mis à l’index comme le seraient bien d’autres dirigeants pour

des faits bien moins importants.

*

Voilà cependant qu’à l’instant où nous découvrons que les premiers

bénéficiaires de politiques fiscales faisant s’évaporer

chaque année des milliards – oui, milliards – des caisses de

l’État, sont des proches de M. Macron, et que cette information

était sue par les journalistes, personne ne dit rien.

29

Alors que ces mêmes journalistes savent parfaitement que tous

les experts et études économiques ont démontré, je répète, démontré,

qu’aucune raison économique ne présidait à ces décisions,

qu’il y a là dès lors non pas même suspicion, mais détournement

avéré, que l’on a vu le visage de M. Macron s’empourprer

et tenter de s’en sortir en invoquant, malheureux ! une

phrase arrachée à un autre de ses amis oligarques, prétendant,

honteux, comme un enfant pris la main dans le pot de confiture,

qu’il n’avait « pas d’amis », l’on s’interroge : à quoi joue-t-on ?

Qu’est-ce qui, en ces esprits, peut bien justifier cet esprit de

veulerie qui fait que l’on n’ait enquêté, exposé ces liens-là ?

Pour ne pas dire dénoncé ?

Pas même besoin d’invoquer telle ou telle compromission : il y

a déjà là de quoi être violemment embarrassé. Depuis quand

ces journalistes savaient-ils ? Pourquoi ne l’avaient-ils pas plus

tôt non seulement énoncé, mais aussi rappelé, insisté sur ce

fait, relié comme le faisait, du bout des lèvres, Jean-Jacques

Bourdin, à des politiques fiscales dont tout le monde a acté l’absurdité,

et pourquoi cela n’a-t-il pas été fait et refait jusqu’à

nous donner la nausée ? Pourquoi aucun enquêteur ne s’y étaitil

pas intéressé, se demandant par exemple comment cela se

faisait que M. Macron l’austère, l’homme de l’immaculé conception,

porte des politiques aussi favorables aux plus privilégiés,

alors qu’il augmentait l’imposition de tous les autres pans de la

population ? Mais aussi tout simplement comment il avait rencontré

un tel homme d’argent, et depuis quand ? Sans parler ni

oser s’interroger bien entendu, sur l’effet et le soutien qu’une

telle amitié aurait pu susciter – ni plus fort encore, sur la possibilité

qu’il eut été combiné à celui de M. Niel.

Sur l’idée par exemple, que M. Arnault ait mis à disposition de

M. Macron un quelconque appui pour le remercier ou l’influencer

dans sa prise de décision.

Un appui qui aurait pu prendre le nom de Mimi Marchand.

*

30

Comment cela se fait-il en somme que l’ensemble de nos délégataires,

qui bénéficient de par leur fonction d’abattements fiscaux,

de privilèges légaux et réglementaires, ceux dont dépend

le fonctionnement de la démocratie représentative, nos journalistes,

se soient tus ou ait préféré esquiver toutes ces années

ces faits – prétendant qu’il y aurait là un geste idéologique alors

qu’il s’agit d’interroger une indéniable corrélation, pour ne pas

dire causalité – mais aussi une fois que le fait fût révélé, ils se

soient indignés qu’il le fut, plutôt que de s’être lancé sur leurs

téléphones et ordinateurs pour harceler leurs interlocuteurs et

ainsi s’assurer que démocratie n’avait pas été pervertie, que

probité et intégrité étaient respectées, que nos valeurs les plus

fondamentales étaient protégées ? Pour tout simplement, faire

émerger la vérité ?

Se pourrait-il là encore qu’entre Bernard Arnault et son gendre,

entre leur pouvoir publicitaire et leurs propriétés, ajoutés aux

réseaux de pouvoir qu’ils entretenaient, ces êtres aient créé

une telle oppression que sa conscience s’en soit diluée, faisant

naître un conformisme de tout instant, puisque de toute façon,

les journalistes se savent maintenant ne plus devoir à la société

mais à leurs propriétaires, à des annonceurs plutôt qu’à leurs

lecteurs, qui comptent toujours moins dans leur business model

? Ce pourrait-il que l’on comprenne ainsi comment peu à

peu la fabrique de l’information en France s’est effondrée, acceptant

avec toujours plus de naturel l’aberrant, faisant s’amollir

jusqu’à laisser s’effondrer la société, emprise dans la mélasse

d’un sentiment de pourri généralisé, alimenté non pas par

la vigueur de la presse, mais au contraire par son incapacité à

dénoncer, à se défaire de ces liens incestueux qui partout ne

cessent de se déployer ?

Se peut-il qu’au fondement de cette dégradation, de cette perte

absolue d’énergie qui transforme les journalistes en zombies,

se trouve leur asservissement littéral aux mains de quelques

milliardaires ayant un tel pouvoir qu’ils n’ont même plus besoin

d’en user, se contentant ponctuels de faire taire, acheter,

31

intimider, ou simplement désintéresser un quelconque journaliste

ne voulant voir sa carrière s’achever, pour chez tous les

autres, construire un impérieux besoin de conformité ?

Pourquoi a-t-on attendu que le peuple se soulève pour commencer,

enfin, sincèrement, à dénoncer ce qui jusqu’ici apparaissait

naturel – des politiques fiscales brutalement injustes,

produites au service de quelques-uns – si ce n’est que quelque

part, un asservissement conscient ou inconscient s’est installé

? Où sont les dizaines de Unes faisant miroir à celles qui

vantaient les mérites intimes de M. Macron et de sa femme, interrogeant

ses liens avec Messieurs Niel et Arnault, qui auraient

dû paraître au lendemain de la publication de Mimi, la

veille lorsqu’il décidait de supprimer l’ISF sans n’a aucun moment

l’argumenter, lors de la loi sur le secret des affaires ? Où

est donc passée cette absence de pudeur qui amène tout le

monde à parler de la vie privée des puissants lorsque celle-ci

leur dessert, lorsque ces derniers en décident, et à se taire dès

qu’elle pourrait les gêner ? Où sont ces photographies et ces papiers

chargés de décortiquées non pas ses yeux bleus, mais les

relations d’intérêt qu’il entretient et entretenait ? Non pas ici et

là une enquête, mais partout et en tout temps, des dizaines de

Unes et de reportages, systématiquement agressifs et mis en

avant ?

Pour s’assurer que tout cela n’est que fantasme, forcer M. Macron

à démontrer ce que tout le monde sait : qu’il n’est évidement

que blanche colombe, qu’il n’y a rien à suspecter, que tout

cela a été soigneusement compartimenté ?

*

Une fois le fait relationnel établi – et il le fut –, nous serions allés

plus loin. Outre l’interrogation sur le lien existant entre ces fréquentations

et les biais politiques de M. Macron, n’aurionsnous

pas eu à chercher les compromissions et conflits d’intérêts

qu’elles pouvaient susciter ? D’aller chercher en ces espaces

protégés, ces non-lieux de la République qui en certains

32

arrondissements de Paris, fabriquent toutes les compromissions,

les données permettant de prouver les interventions

dans l’espace public de ces oligarques en faveur de leurs protégés

? Les recrutements et défonctions, les interventions factuelles

dans leurs vies et celles de leur proche, ce que l’on

nomme corruption ?

Il ne serait alors plus seulement agit de se demander depuis

quand donc M. Macron était devenu ami du couple le plus fortuné

de France, ni comment l’on accèdait à ces individus, contre

quelle engeance obtenait-on leur estime – puisqu’il n’y a, dixit

Xavier Niel, et l’on commence à comprendre le sens de sa

phrase, nulle amitié en ces rapports, ce qui veut dire, de sa

propre admission, qu’il n’y a que des intérêts – alors que l’on

est censé être un gentil gamin d’Amiens, venu perdu seul à Paris,

fuyant l’oppression familiale pour se construire son destin

pour un amour tant de fois magnifié ?

Et quel est le lien entre le fait que cette fable ait été fabriquée

pour être contée au grand nombre, et le masque qu’immédiatement

elle faisait porter sur les relations que nous venons de

mentionner ? Etait-ce une pure corrélation, où y avait-il justement

volonté de masquer l’un en mettant en scène l’autre ?

S’agirait-il en somme, dès le départ, d’une fabrication ?

Et n’aurait-il pas fallu alors s’indigner, ou a fortiori s’excuser,

d’avoir parlé de ce gentilhomme de province qui, projeté sans

le sous dans Paris par le fait d’un amour brisé, s’était dévoué au

bien commun suite à de brillantes études avant d’être propulsé

aux plus hautes responsabilités de l’État, sans ne jamais

s’être compromis, prêt à tout pour se sacrifier ? N’était-ce pas

là l’histoire que, de Paris Match à France Télévision, des journalistes

par centaines avaient raconté, dépensant des millions

laborieusement arrachés à la société pour mettre en scène documentaires,

récits, enquêtes et portraits relayant non pas la

réalité, mais une fable fabriquée ?

Cet être en fait appuyé – nous n’oserions dire fait – par

quelques puissants en quête de relais, à un moment où tous les

candidats du système s’effondraient, n’avait rien de l’innocence

33

que l’on clamait. Et il ne faudrait pas s’excuser de l’avoir pitoyablement

prétendu ?

L’on entend déjà s’indigner tous les petits soldats du régime,

ces journalistes qui ne se contentent pas de placer leur indépendance

au-delà de tout soupçon, mais accusent, face à qui

leur présente les faits exposant leur compromission, de complotisme

ces mises en doute de leur intégrité – comme si cela

avait, face à l’évidence de leur échec, un quelconque intérêt !

Ceux-là même qui passent leur journée à arguer de leur absence

de servilité tout en ne se trouvant jamais en désaccord

avec l’ordre ; écrasant de leur morgue et mépris les dissidents

qui oseraient les questionner ; tous ceux-là qui, tout en clamant

leur liberté, n’auront cessé de cacher pendant cette période ces

faits, et qui, par leur récit avarié de la campagne présidentielle,

portent une immense responsabilité dans l’effondrement du

régime auquel nous sommes en train d’assister.

L’on entend les indigner, mais on ne peut, à ce stade, que les

mépriser. Car ces êtres ont démontré qu’on ne pouvait leur faire

confiance. Soit du fait de leur bêtise crasse – incapacités à l’intelligence

minimale qui rend politique un rapport d’amitié

entre un oligarque détenant des moyens d’agir sur le réel supérieurs

à ceux d’un État et un Président – soit de leur compromission.

*

Car même en les croyant – en croyant qu’il n’y aurait rien à

soupçonner à partir de ces liens non explicités – tout cela aurait

en effet a minima et d’évidence exigé de mobiliser d’immenses

moyens d’enquête pour, enfin, fermer le clapet à ces

complotistes et autres ennemis de la démocratie qui, non contents

de voir le mal partout, croient qu’il y a en Paris un cloaque

où les politiques se vendraient aux financiers, sous le regard

absent de journalistes avariés.

34

Que nenni. Un seul journaliste, en un seul ouvrage, tenterait de

faire ce travail à temps : L’Ambigu M. Macron du dit Marc Endeweld,

alors journaliste d’investigation. Et cet ouvrage, alors que

personne ne comprenait rien à rien au phénomène Macron, ne

serait pas même chroniqué au Monde ou au Figaro. Regardé

avec dédain, on le laisserait passer, préférant s’intéresser et

s’exciter au récit que Lagardère et Niel, Arnault et Marchand

fabriquaient.

Un seul courageux, le même qui démissionnerait par la suite de

Marianne suite à son rachat par un oligarque tchèque, un certain

Kretinsky, investissant par ailleurs dans Elle et Le Monde

pour préparer son rachat d’un Engie que M. Macron s’apprêtait

à privatiser, exactement comme M. Drahi avait racheté Libération

sur demande de M. Hollande – demande relayée par M. Macron

– pour se voir autoriser au rachat de SFR, avant de nommer

son ami et plume Laurent Joffrin à la tête de sa rédaction.

Cela, ce n’est pas nous qui le racontons. C’est l’homme de main

de M. Drahi, Bernard Mourad, intime de M. Macron, dans le Vanity

Fair de décembre 2018, qui expose sans se gêner les modalités

de constitution d’une oligarchie, un milliardaire trouvant

appui en un Président contre le fait de mettre à son service

un média racheté pour cela. Le tout, sans gêne ni questions8.

Sans indignation.

Non, rien de tout cela fut fait. L’on préféra au contraire s’étrangler

face à l’exposition de ce fait, croire aux explications de M.

Macron – sa prétention, contre toute évidence, de ne pas avoir

d’amis, et contre toute évidence supplémentaire, d’avoir agi rationnellement

en supprimant l’ISF là où tous les experts et les

études le contredisaient. L’on préféra s’indigner contre celui

qui tout cela tentait d’exposer, alors pourtant que l’on découvrait

dans le même temps que la première fortune de France,

M. Arnault, était bel et bien invité d’honneur par M. Macron au

dîner d’Etat donné par Donald Trump quelque temps plus tôt.

Mais, enfin, après tout, cela relevait probablement du hasard,

8 Ce fait est le seul que nous ajoutions dans cette version actualisée du texte d’octobre 2018, tant il nous

semble grossier.

35

et encore : en quoi, si cela se vérifiait, cela devrait intéresser le

public ? Nous y revenions, l’ordre trouvant toujours à justifier

sa lâcheté pour ne pas avancer. Après tout, qu’importait,

quelques milliards par ci, quelques milliards par-là ? Le politique

n’était-il pas affaire d’empirisme, ne fallait-il pas les laisser

essayer, et qu’importe si entre temps l’on dégradait pour ce

faire la vie de millions de gens ?

Notre président n’avait-il pas en somme eu pour seul tort, pendant

l’entretien du Trocadero, de s’être montré embarrassé

d’un fait insignifiant, et d’avoir nié l’existence d’une amitié

somme toutes naturelle ? Voilà l’argument que suivraient, une

fois tous les autres épuisés, les soldats du système, dans le but

non plus de convaincre, mais de s’apaiser et de se tranquilliser.

Voilà où mène la compromission.

Car si M. Macron semble les avoir sélectives, ces amitiés, et

mettre en oeuvre des politiques publiques particulièrement affines

aux intérêts de ces amitiés, tout de même : ne serait-il pas

naturel, entre gens de talent, de s’apprécier et de se fréquenter

? Pourquoi soupçonnerait-on l’évidence, là où il serait si facile,

face à un être qui nous ressemble tant, de croire aux

bonnes fées ?

N’y aurait-il pas facilité, et complotisme, à attribuer aux fréquentations

des uns les choix politiques des autres, alors

qu’une législation puissante contrôle le financement de la vie

publique – oublions un temps les vingt millions de Bygmalion

et toutes les affaires qui récurrentes montrent l’insignifiance

de ce contrôle – et que nulle trace de compromission n’a été

identifiée ? Pourquoi interrogerait-on l’insistance délirante

avec laquelle cet être, outre l’ISF, défend le maintien du CICE,

qu’il a créé, et qui chaque année, coûte au moins vingt-milliards

à l’État, pour un effet que là encore tous considèrent insignifiant

?

*

36

Avançons cependant car nous n’y sommes pas tout à fait, et

vendons la mèche : tous ces éventrements indignes ne sont encore

rien, et vont nous mener à un point de synthétisation.

Rappelons donc à ce stade qu’un ouvrage nous a permis de découvrir,

en septembre 2018, c’est-à-dire « seulement » un an et

demi après qu’une campagne présidentielle censément démocratique

et rendue transparente par une presse indépendante

et féroce ait permis au peuple de se choisir ses dirigeants, que

Michèle Marchand, alias Mimi, femme de peu de bien, dégradante

par tous aspects, étant passée de la prison et de plus

basses oeuvres encore, à devenir de facto et dès 2016 conseillère

en communication d’un inconnu qui deviendrait Président.

Qu’elle a agi avec l’appui d’un obscur homme de main et d’un

oligarque délinquant repenti, avec l’appui d’un autre oligarque

et de l’homme le plus puissant de France, utilisant pour cela des

réseaux qui tiennent pour certains à des mafias et pour

d’autres au plus profond de l’Etat – nous invoquerons plus tard

le cas Squarcini ; le tout pour, par un matraquage médiatique

inédit, faire découvrir et consacrer un individu sorti de nulle

part qui appliquerait des politiques extrêmement favorables à

ces individus.

Que ce matraquage médiatique n’a été compensé, contredit,

par aucune enquête sérieuse, si ce n’est celle de M. Endeweld,

alors journaliste indépendant. Un seul journaliste.

Que ce matraquage s’est doublé, ou a nourri, par suivisme et

conformisme, des centaines d’articles élogieux, parfois prétendant

seulement à une inatteignable objectivité, chez des journalistes

sérieux et inconscients de ce qu’il se jouait, mais aussi

de documentaires et de mises en scènes diverses - on se rappellera

notamment les meetings à moitié vides présentés

comme glorieux, ou les proses poussives présentées comme

brillantes, ou encore les propositions programmatiques inexistantes

justifiées au nom du pragmatisme et de l’intégrité.

Car l’on sait bien la nature grégaire de l’être humain, et ses difficultés,

face à un phénomène que tous présentent comme naturel

et de masse, à préserver son jugement.

37

L’on a donc a appris que ce matraquage avait été le fait entre

autres d’un oligarque, Xavier Niel, lui aussi donc délinquant

condamné, détenteur d’une septième fortune de France dépendant

de l’État et ayant pour cela bénéficié de l’appui établi d’un

homme politique ; oligarque qui a décidé, après avoir racheté

les plus importants médias du pays, de se mettre au service

d’un jeune premier pour l’aider à se faire connaître et consacrer.

Puis, par nos soins et non plus par ceux de nos enquêteurs qui

ont dû taire un certain nombre d’informations pour des raisons

évoquées et d’autres qui seront à évoquer, que ce même Xavier

Niel était le gendre de Bernard Arnault, première fortune de

France, que ce même Bernard Arnault connaissait intimement

Brigitte et Emmanuel Macron depuis une période indéterminée,

que cela se savait, que cela n’avait pas été dit, et que M.

Arnault, outre les avantages fiscaux que M. Macron lui octroierait

par loi plutôt que par exception – cela se serait trop rapidement

vu – avait bénéficié pendant la même période des services

de la même personne que lui et M. Niel pour façonner son

image auprès des Français. Et que donc la conseillère en communication

de deux des plus puissants oligarques de France

était aussi celle du Président de la République, et l’avait servi

« gratuitement » sans que personne n’en sache jusqu’en septembre

2018 rien, le tout sans contrat écrit, en topant – le tout

alors que M. Macron faisait payer à des millions de Français des

politiques fiscales qui ne servaient que les premiers, et que M.

Lagardère couvrait tout cela en autorisant ces politiques de

communication.

*

Le lecteur suspicieux demandera à cet instant : et alors ? Cela

n’était-il pas, à défaut d’être dit, compris ?

Tout d’abord, rappelons qu’il ne s’agit pas que de cela. Qu’outre

les menus cadeaux fiscaux, les constitutions de fortunes ne sont

pas aussi miraculeuses que l’on le croirait, et que leur lien avec

le politique, et leur capacité à l’influencer, est déterminante dès

38

lors que ces fortunes se comptent en milliards et non en millions.

Rappelons également que les constitutions de destins politiques

en France, en cette si glorieuse démocratie que nous cessons

de vanter, ne doivent peut-être pas tant qu’on le croyait

aux vertus et qualités intrinsèques des uns et des autres mais

bien à leur capacité à séduire et à servir ces mêmes oligarques,

dont on a vu qu’ils étaient capables de dépenser des centaines

de millions en des médias pour nous faire croire à leur désintéressement.

Et que l’appui donné à la fortune des uns – appui

dont il est objectivement établi qu’Emmanuel Macron donne à

ses protecteurs, par l’adoption de toute une série de dispositions

fiscales et réglementaires les intéressant directement et

n’ayant aucun bénéfice pour le bien commun – peut faire la destinée

politique des autres. Quitte pour cela à passer par des

tiers peu recommandables.

Qu’en somme, les amitiés que M. Macron entretient avec Messieurs

Arnault et Niel pourraient ne pas être aussi insignifiantes

qu’on l’a prétendu, mais au contraire être déterminantes,

nous insistons sur ce mot, déterminantes politiquement,

et que celles-ci ont peut-être été masquées du grand public

pour une raison. Et que lorsqu’elles n’étaient pas masquées,

auront été rendues insignifiantes, secondaires, étouffées

pour la même raison.

Rappelons en effet les modalités de constitution de la fortune

de Monsieur Arnault, devenu le plus riche d’entre nous : c’est

bien grâce à une scandaleuse opération effectuée aux dépens

de l’Etat, rachat de Boussac effectué par la grâce d’une faveur

politique que lui octroierait lors des années quatre-vingt un

certain Laurent Fabius, que M. Arnault a pu construire son empire,

devenir milliardaire, racheter des médias par pelletés et,

devenu première fortune française, se lier d’amitié avec des

Présidents de la République décidés à alléger son fardeau fiscal

pour permettre d’à ses enfants léguer une puissance non dissimulée

– Président qui n’hésitera pas, une fois élu, à affirmer

que les tentatives de fraudes fiscales n’étaient qu’optimisation,

39

et qu’il y avait de « bonnes raisons » à s’exiler fiscalement en

Belgique.

Voilà où nous en sommes arrivés.

*

C’est bien par son lien avec le politique, qui a généreusement

mobilisé les ressources de l’État pour subventionner les entreprises

que M. Arnault prétendrait avoir sauvé après se les être

vues littéralement offertes et les avoir démantelées – prétendrait

à une politique sociale qu’il trahirait – que cet oligarque a

fait sa fortune. C’est bien par des amitiés et autres connivences

alors considérées inoffensives, avec M. Fabius très spécifiquement,

que ce Monsieur Arnault est devenu ce qu’il est, au détriment

d’un pays tout entier. Mais surtout, nous rappellerons

que si les biens qui fondèrent sa fortune furent bradés par un

pouvoir aux abois, ce ne fut pas pour éviter une faillite et des

licenciements – puisque factuellement, ces licenciements interviendraient

– mais parce que ce pouvoir se trouvait à la recherche

d’appuis pour se maintenir en fonctions et contrer

l’inexorable retour de la droite à partir de 1983, et cherchait à

se constituer un réseau de financiers et de relais médiatiques

capables de construire un dispositif écrasant l’espace public et

faire ainsi oublier la trahison de leurs promesses de campagne.

Qu’ils le firent chronologiquement dans cet ordre, pour se

maintenir au pouvoir. Pour dévoyer la démocratie.

Et l’on commence à comprendre comment tout cela peut nous

affecter beaucoup plus gravement qu’on aurait pu le penser.

Le lien entre petite et grande corruption, entre petite et grande

politique – entre un CICE créé par un M. Macron encore secrétaire

général de l’Elysée, dispositif ayant coûté à l’État plusieurs

dizaines de milliards d’euros et dont le premier bénéficiaire

serait le groupe Carrefour, on le retrouve encore là – et

le soutien exubérant que ces mêmes grandes entreprises lui octroieraient

en retour – commence à se tisser.

Et nous comprenons qu’il y a dès lors là, dans ces questions

d’amitié qui pouvaient sembler insignifiante, quelque chose

qui touche directement à l’intégrité de notre régime, et dans la

40

complaisance que les journalistes ont montré à l’égard de ces

puissants quelque chose qui commence à relever de l’ordre de

la criminalité.

Le principe d’une démocratie représentative est de consacrer

des intermédiaires chargés de représenter le peuple et la société

et de contrôler l’action de l’État et de nos gouvernants. Les

journalistes au premier chef sont chargés de s’assurer que nos

représentants n’utilisent pas le pouvoir au profit de leurs

propres intérêts. S’ils ne le font pas, le sens même de notre régime

s’effondre, et notre démocratie devient formelle là où elle

était réelle. Quel sens à une élection où l’on aurait à voter à

l’aveugle, incapacités à connaître quoi que ce soit des acteurs à

qui l’on nous présenterait, des intérêts qui les ont propulsés ?

*

Mais continuons notre procès, car nous n’en avons pas fini avec

nos révélations. De la même façon que l’on ne devient pas milliardaire

sans raison, l’on ne devient pas président n’importe

comment. Cela est évident. L’exceptionnalité de la fonction qui

consiste à diriger un pays nous fait trop souvent penser qu’elle

serait le fruit de l’exceptionnalité de la personne qui s’en est

saisie. Or certains mécanismes de cooptation et de corruption

jouent bien plus fortement que les qualités que l’on croit intrinsèques

et nécessaires à la direction des peuples. Et Xavier Niel,

qui a décidé - comme Bernard Arnault9 - d’investir sa fortune

dans les médias et pour alimenter ses réseaux, le sait bien. On

ne fréquente pas Mimi Marchand sans raison.

Bien entendu, l’être naïf pourrait le penser. Il faut alors à nouveau

le rediriger vers l’ouvrage que nous citions, Mimi, et qui

révèle dans la suite de M. Endeweld que Xavier Niel, avant de

proposer aux « Macron » de coopérer avec Michèle Marchand,

9 Que l’on rappelle à ce stade être le propriétaire non seulement du plus grand conglomérat de luxe

au monde, capable par leur puissance publicitaire de tuer un média s’ils le décidait, mais aussi

directement du plus important média de France, le Parisien, et du seul quotidien d’information

économique de notre pays, excusez du peu, Les Echos, après avoir achevé La Tribune, son

concurrent

41

avait offert à ces derniers d’utiliser ses « réseaux » pour tenter

de vérifier et d’éventuellement faire taire une information.

Nous parlons bien là oui du plus important détenteur de titres

de presse du pays. Celui-là même qui a mis la main sur Le

Monde et quelques autres journaux, tout en prétendant ne jamais

intervenir dans leur contenu. Nous parlons bien là du futur

Président et de la future première dame, Monsieur et Madame

Macron, qui acceptèrent ce service, et par là-même, déjà,

acceptèrent de s’asservir à un tiers qui leur devenait tout puissant,

devenant redevables d’un fait qu’il pourrait à tout moment

réutiliser, se liant à jamais à sa capacité à les faire chanter.

*

Pourquoi cela est-il si important ? Car cela nous permet de

comprendre comment opère Monsieur Niel, qui prétend ne jamais

intervenir dans les contenus produits par ses journaux –

ce que ne prennent même pas la peine de faire M. Dassault, propriétaire

lui du Figaro après le rachat par son père du groupe

de Robert Hersant, et dont on sait quels accords il tissa avec un

autre homme politique, M. Valls, pendant cette période via son

père et auparavant ; ni M. Lagardère, ni M. Arnault. Cela pourrait

nous sembler mieux, c’est en fait pire, car cela entretient

une illusion que les journalistes s’époumonent à défendre

contre toute évidence, celle d’un libre-arbitre qui serait par

tout cela préservé, et dont il faut absolument se défaire, illusion

sur laquelle Mediapart jouerait grandement, en publiant une

vraie-fausse grande enquête sur M. Niel qui ferait pschit, avant

de s’en désintéresser à jamais ; illusion sur laquelle Le Monde

tenterait de jouer à son tour en publiant une grande enquête

sur M. Kretinsky lors du rachat par ce dernier des parts d’un

autre petit oligarque, Mathieu Pigasse ; feignant de croire que

c’était cela que, par ces rachats, que M. Niel et M. Kretinsky

cherchaient à éviter ; aveugles à l’influence politique, bien plus

importante, qu’ils cherchaient en fait à acheter et qui valait

bien ces quelques menus dérangements.

42

Cela est bien pire, car à quoi bon intervenir directement sur les

contenus, lorsque l’on peut s’appuyer sur des hommes et

femmes de main comme Michèle Marchand, invisibles jusqu’à

l’ouvrage de septembre 2018 ? A quoi bon, lorsque l’on sait

pouvoir intervenir indirectement dans la production de l’information

par le truchement d’un homme de main, Louis Dreyfus,

qui s’est trouvé un temps à la fois directeur général du Monde,

de l’Obs et des Inrockuptibles, excusez du peu, en charge, en

tous ces journaux, du recrutement et du licenciement, des promotions

et mises au placard de tous les journalistes des plus

prestigieuses rédactions de Paris, où tous les journalistes de

France rêvent d’être recrutés ?

Xavier Niel ne censure jamais un article. A quoi bon, lorsqu’il

est possible de le faire censurer – par les réseaux mafieux de

Michèle Marchand, par les pressions ou craintes de pression de

M. Dreyfus, par l’autocensure de tous ceux qu’il a soigneusement,

avec ses camarades oligarques, précarisés et pressurisés

? Pourquoi prendre le risque d’apparaître alors qu’il suffit de

donner instruction à tel ou tel de faire licencier et recruter les

journalistes qui auraient l’heur ou le malheur de lui plaire ou

de le déplaire ; de demander à Madame Marchand de faire disparaître

telle ou telle information, ou décrédibiliser tel ou tel

opposant, sans que personne ne puisse deviner que c’était sur

son instruction que ses hommes de main à elle agiraient pour

intimider, détruire ou galvauder ; et, en jouant sur la précarité

d’une profession veule et servile, maintenue aux abois par sa

lâcheté, mais surtout par l’accumulation de concentrations capitalistiques,

plans sociaux et pressions sur les salaires toujours

plus accrus, de s’assurer que personne ne prendrait le

risque de trop s’y opposer ? A quoi bon, alors qu’il lui a suffi

d’acheter les plus importants titres de presse du pays pour se

placer en haut de la chaîne alimentaire et s’assurer qu’aucun

ambitieux ne s’attaquerait jamais sérieusement à lui, là où en

toute société saine, M. Niel comme tout autre oligarque aurait

été perçu au contraire comme un trophée de guerre pour tout

journaliste cherchant à se faire un nom ?

43

A quoi bon, alors que le plus important est bien de pouvoir, de

déjeuner en déjeuner permis par l’influence qu’on lui prête, influencer

les hiérarques du régime, mais aussi suggérer en retour

à l’homme de main l’intérêt qu’il aurait à porter à tel

homme politique ou dirigeant, suggestion qui se verra colportée

auprès du directeur de la rédaction, qui à son tour, et ainsi

de suite – l’air de rien, chacun ignorant volontairement à qui

cet intérêt d’apparence innocent pourrait servir – jusqu’à enfin

arriver au journaliste à qui sera commandé un article, luimême

maintenu dans l’ignorance des mécanismes ayant fait

naître cet intérêt, comme cela arriva pour M. Macron, charge à

ce dernier d’ensuite récompenser comme il le faudra son protecteur

bien aimé ?

*

Personne ne semble

se troubler que l’on continue à dire que M. Niel, la famille Arnault

et les Macron se seraient rencontrés pour la première fois

six mois après que M. Niel m’ait indiqué que son ami Emmanuel

Macron deviendrait Président de la République, et qu’ils l’auraient

fait – comble de l’absurdité – lors d’un dîner à New York

ou Los Angeles, information que tous, sans ne l’avoir jamais vérifiée,

ne cessent pourtant de relayer depuis que M. Bourdin a

44

forcé les journalistes à faire semblant de s’intéresser à ces sujets,

comme pour mieux, tout cela, étouffer.

*

Vous saturez ? Et pourtant, cela n’est pas tout ! Et ce n’est

même que le début. Car le beau-père putatif de Xavier Niel, Bernard

Arnault, qui s’est permis le luxe de recruter le tout puissant

ancien directeur des services secrets du pays, Bernard

Squarcini, au sein de LVMH pour en faire son « monsieur sécurité

» – ce même M. Squarcini qui continue d’appeler ses anciens

subordonnés pour leur demander des informations sur

telle ou telle personne,

Bernard Arnault donc, a mis au service du

Macron candidat son appareil de sécurité pour compléter la

protection que lui offrait médiatiquement, via son gendre Xavier

Niel, Michèle Marchand.

Qui aurait

amené à s’interroger, et dès lors découvrir, que M. Arnault

connaissait en fait Brigitte Macron bien avant Xavier Niel, qu’il

a en fait présenté M. Macron à Xavier Niel, par la grâce de Brigitte

Macron qui s’était faite la professeure de ses enfants au

45

sein du très sélectif et fermé lycée privé Franklin, temple de

l’oligarchie où se forment les héritiers de l’élite du pays ; et que

c’est en fait bien Bernard Arnault, via Delphine Arnault, et non

l’insignifiant Pascal Houzelot, comme le prétend l’ouvrage

Mimi - qui a fait se connaître Xavier Niel et Emmanuel Macron

en premier.

*

Voilà donc que l’on a découvert en passant que la désintéressée

et généreuse Brigitte Macron, admirée par tous les Français depuis

que la trafiquante de drogue Mimi Marchand est devenue

sa meilleure amie et a été par deux oligarques chargée d’en

faire une première dame idéale, Brigitte Macron donc, égérie

du bien commun, enseignait non pas en un lycée public, non

pas en un lycée difficile, non pas en un lieu où son engagement

serait à valoriser, mais dans l’un des lycées les plus cossus de

Paris, choisi volontairement et où elle profitait de son poste

pour se lier avec la principale fortune de France et la présenter

à son ambitieux mari – que l’on disait alors désargenté et

éploré – pour s’assurer que ce dernier se verrait mettre le pied

à l’étrier et s’en trouverait aisément propulsé.

Là, l’on commence véritablement à avoir le tournis. Le jeune

homme au regard tranchant, blanche colombe prête à se sacrifier

pour la France, venue du rien pour prendre le tout, présenté

au peuple qui l’aurait immédiatement adoubé, avait en

fait, avant même d’être ministre ou secrétaire général adjoint

de l’Elysée, comme soutien et ami non seulement l’oligarque

Xavier Niel, mais aussi la première puissance financière de

France, en plus de la banque Rothschild et de ses réseaux, qu’il

obtiendrait en trahissant l’inspection générale des finances –

elle-même richement dotée en réseaux tant les trahisons du

corps ont fini par en faire une passoire et une source de compromissions

récurrentes pour l’État plutôt qu’un organe de

46

contrôle de ce dernier –, en plus de la bourgeoisie amiénoise,

en plus de ceux de Jean-Pierre Jouyet que l’on s’apprête à exposer,

et ce alors même qu’il n’était organiquement, publiquement

« rien ».

*

Où le faire, comment le faire savoir ? Quel organe de presse

pourrait l’accueillir, y compris pour le contredire ? Libération,

L’Express ou BFM TV ? C’est-à-dire les médias détenus par Patrick

Drahi, dont l’empire a été consolidé avec l’aide d’Emmanuel

Macron, Drahi qui l’a remercié en mettant à sa disposition

sa main droite et directeur de facto de ses médias, Bernard

Mourad11, pendant la campagne présidentielle, après que ce

Bernard Mourad ait, sur ordre de M. Drahi, « suggéré » des

Unes au sujet de M. Macron, lors des comités de rédaction de

ces médias auxquels, contre toute logique, il participait ? A

l’Obs, au Monde, à Télérama, à Mediapart, dans la dizaine

d’autres médias où Xavier Niel a investi ? Au Figaro, chez Olivier

Dassault, où il faudrait espérer qu’un journaliste trouve le

courage d’attaquer les collusions entre médias et milliardaires,

après que l’empire de son père se soit construit en s’appuyant

sur cela ?

Rions jaune, et pensons plutôt aux télés ou radios publiques,

dont les directeurs sont nommés par le pouvoir politique – indirectement

certes, en ces affaires, l’on aime à rester pudiques,

même s’il l’on fini par nommer, comme à RadioFrance, une camarade

de promotion – et dont nous venons de montrer comment

l’un des piliers de l’information compromettait l’intégrité

du groupe pour servir son ami président et se venger de sa Présidente

– où jamais la plus brillante de ses investigatrices, Elise

Lucet, ne s’est attaquée à ces sujets. Au Parisien ou aux Échos,

chez Bernard Arnault, à Vanity Fair, qui publie des articles de

11 Nommé par la suite et de ce fait patron de Bank of America France, qui se verrait miraculeusement

attribuer par le pouvoir la gestion de la privatisation des Aéroports de Paris. Il avait été nommé, avant sa

mise à disposition auprès d’Emmanuel Macron, directeur du pôle presse du groupe de Patrick Drahi, et

donc de facto dirigeant de l’Express et de Libération, racheté par Patrick Drahi sur suggestion de François

Hollande, présenté à ce dernier par Emmanuel Macron via Bernard Mourad, afin d’obtenir la « neutralité

bienveillante » de l’État dans son rachat de SFR.

50

commande et qui coulerait immédiatement si ce dernier cessait

de le financer ?

A Canal + ou chez C8, chez Vincent Bolloré à qui Macron confia

part de sa communication alors qu’il était ministre de l’économie

via Havas – avant qu’Hanouna, pilier capitalistique du

groupe, n’en devint le meilleur relais, l’invitant régulièrement

à communiquer par téléphone lors de ses émissins ? A TF1 ou

TMC, chez Martin Bouygues, là encore compromis jusqu’aux

ongles et dépendant de la commande d’État ? Au JDD ? Là où

Gattegno a montré toute sa capacité à servir ceux qui plaisaient

à son propriétaire, un certain… Arnaud Lagardère !

L’on nous dira que l’on exagère. Il y a bien des radios. Puisque

le service public a les problèmes que l’on sait, peut-être Europe

1 ? Lagardère, encore ! RMC ? Alain Weil, c’est-à-dire, depuis

quelques années Patrick Drahi, Alain Weil qui est par ailleurs

comme on le montrera, via sa soeur, intime de la macronie. RTL,

qui appartient à M6, l’un des principaux partenaires de

Mediawan, le fond d’investissement dans l’audiovisuel de Xavier

Niel ?

Après avoir parcouru en pensées l’ensemble de l’espace médiatique

français, s’être arraché les cheveux, l’on pense à des éditeurs.

..

Fayard ? Mais Fayard a été racheté par Hachette, c’est-à-dire

par Arnaud Lagardère, dirigé effectivement par ce même Ramzy

Khiroun qui est intervenu pour protéger Mimi Marchand à Paris

Match, et dont la numéro 2 est la femme du « grand ami » du

Président, le fameux Bernard Mourad ! Grasset ? Sous les apparences

de différences, le même propriétaire, la même hiérarchie,

et l’on comprend maintenant pourquoi l’ouvrage attribuait

à Marchand ce que M. Khiroun faisait, on le dit en passant,

mais il faut mesurer ce que de manque d’intégrité cela signifie.

Gallimard ? Ils viennent de censurer Annie Lebrun, auteur historique

de la maison, parce qu’elle critiquait LVMH dans son

dernier ouvrage sur la mode. Tout lien avec la prise de participation

récente de la société de Bernard Arnault au capital de la

maison n’y serait pour rien.

Car continuons ! Flammarion ? Racheté par Gallimard

il y a quelques années ! Actes Sud, chez Françoise Nyssen

? Rions, jaune toujours, d’un rire toujours moins riant. Mais

il y a bien encore moult d’éditeurs indépendants. Le Seuil, La

Découverte, La Fabrique, peut-être. Certes, certes. Mais avec

quels distributeurs, et quels moyens de diffusion ? Ceux-là

même qui sous la coupe des premiers… ? Et là encore, quelle

capacité à se signifier ?

Revenons-en à la presse. Le Point alors. Mais Le Point est propriété

d’Artemis, la holding de François Henri-Pinault ! Et alors

nous répondrait-on ? N’est-il pas l’ennemi de Bernard Arnault ?

.

*

Cessons de penser à tout cela pour l’instant, et continuons. Car

l’on a découvert entre temps que ces affaires ne s’en tenaient

pas là, et qu’Alexandre Benalla était le point d’entrée officieux

de Michèle Marchand à l’Elysée. Là, le souffle se retient. Benalla,

ce même Alexandre Benalla qui, introduit dans la macronie par

un apparatchik LR défroqué, un certain Sebastien Lecornu, en

sus de frapper des citoyens pendant son temps libre, avait tenté

de monter une garde prétorienne à l’Elysée, c’est-à-dire de . . .

 

…. cet être, ravi de la crèche et probablement

inconscient de qui il servait à cet instant, c’est Jean-Pierre

Jouyet. Et qui nous y mène ? Un certain Ludovic Chaker, acolyte

invisible d’Alexandre Benalla qui en a organisé le recrutement,

premier secrétaire général d’En Marche, depuis sis au coeur du

dispositif antiterroriste de l’Élysée, et qui avait pour mission de

mener le même projet que son collègue auprès des forces armées.

Or Ludovic Chaker, civil qui s’est trouvé propulsé au coeur du

secret d’État, habilité à en connaître tous les détails, et dès lors

ayant à connaître et faire connaître tout ce qu’il y a à dire sur

quiconque pourrait menacer les intérêts de M. Macron – versant

cérébral en somme de M. Benalla – utilisant pour cela une

certaine Mimi Marchand, n’est pas n’importe qui. Il est le point

d’entrée dans l’appareil militaire 12 d’Ismaël Emelien, plus

proche conseiller d’Emmanuel Macron qu’il a rencontré sur les

bancs de SciencesPo, et qui à l’Elysée était chargé de transmettre

l’ensemble des renseignements pouvant l’intéresser

pour ensuite ordonner les basses-oeuvres qu’il pourrait nécessiter

en les faisant diffuser par la presse de façon suffisamment

discrète pour que le conseiller spécial ne se trouve jamais impliqué,

faisant tout cela sans avoir à répondre à une quelconque

hiérarchie militaire comme c’est normalement le cas en ces affaires

là.

Voilà donc, pour des raisons de basse politique comme on

l’imaginera, M. Macron qui dessine à l’Elysée une structure

chargée d’alimenter les différents réseaux crapuleux qui l’ont

appuyé en informations permettant de discréditer les adversaires

ou de se protéger. Le dispositif a été révélé lorsque l’on

a appris que M. Benalla avait transmis à M. Emelien les images

de vidéosurveillance de la manifestation du 1er mai 2018, et

que M. Emelien les avait par la suite fait diffuser sur des réseaux

sociaux à travers des comptes anonymes. A d’autres reprises,

ce serait Mademoiselle Marchand et des vecteurs officiels

qui seraient mobilisé. Cette fois, l’information provenant

12 Fait unique dans la Ve République : jamais un civil n’avait été intégré au chef d’État-major particulier de

la Présidence de la République

55

de la hiérarchie policière et non militaire, c’était bien M. Benalla

et non M. Chaker qui en avait été chargé.

M. Chaker n’est pas un homme d’Etat, pas même un fonctionnaire,

et n’apparaissait sur nul organigramme jusqu’à ce que

l’affaire Benalla l’expose aux yeux de tous. Cela, pour une seule

et unique raison : protéger M. Emelien d’une quelconque répercussion,

créer un interface supplémentaire qui permettrait de

se dédouaner. M. Chaker a en effet, comme beaucoup d’individus

projets loin de leur milieu sans compétences particulières,

la particularité d’être d’une grande fidélité qu’il double d’une

incessante célérité. Ces hommes sont toujours utiles pour le

pouvoir. Ayant seulement servi la DGSE quelques années avant

d’en être évincé, il ne s’est retrouvé là que par la grâce et dès

lors pour le service de son maître. Mais si nous en parlons, c’est

car la façon par laquelle il y est arrivé dit plus encore que les

cartes qu’il a tenté d’y jouer. Car sa promotion auprès d’Emmanuel

Macron, et c’est là ce qui nous intéresse, peu avant la campagne

présidentielle puis à l’Élysée, révèle l’intrication profonde

de l’alors candidat avec un autre pan de l’oligarchie du

pays : celle qui s’assure que les intérêts des puissants se trouveront

relayés au sein de la machine d’État. Elle montre à la fois

l’étendue des influences qui s’appliquent à la Présidence Macron,

l’endogamie de notre élite, mais aussi la pauvreté d’un

système de cooptation qui au sein de ce pouvoir permet, par

faits de népotismes et de services rendus, de maintenir des privilèges

qui protègent quelques-uns, sidèrent l’action publique

et lui retirent ses moyens.

Elle révèle enfin à quel point la presse s’est là encore volontairement

aveuglée, glorifiant celui qui pourtant n’était que le

pont idéal pour unifier cette conjonction d’intérêts.

*

Il ne suffit pas de s’entourer de puissants qui recherchent des

fondés de pouvoir, ce qui requiert déjà quelques qualités, dont

un profil suffisamment immaculé auprès du grand public, exigeant

notamment de ne pas s’être trop visiblement compromis,

pour devenir Président de la République : il faut aussi savoir

56

s’entourer d’une armée de fidèles, suffisamment fidèles pour se

taire, mais aussi intégrés au système, en connaissant les

rouages et capables de mettre en branle les projets de ces puissants

; chargés en somme d’une légitimité d’apparence suffisante

pour garantir la fidélité de l’appareil étatique et ainsi,

dans un aveuglement généralisé, le mettre au service des intérêts

de ceux qui vous ont choisi. Suffisamment cyniques et intéressés

pour eux-mêmes nourrir la machine de pouvoir sans

ne jamais trahir ni dénoncer – c’est ce qui explique la multiplication

des marques d’affection que M. Macron a donné suite à

son départ à M. Benalla –, suffisamment bien rémunérés et protégés

pour n’à aucun moment s’interroger sur les fondements

de la politique appliquée, et des spoliations ainsi menées ;

ayant, en somme, suffisamment à gagner pour vous vendre

leurs atouts et qualités.

Or M. Macron, qui était singulièrement jeune et ne s’était fait

maître d’aucun parcours en propre lui permettant d’avoir

construit et de pouvoir revendiquer de telles fidélités – c’est ce

qui expliquera par ailleurs son appel à des baronnies empruntées,

dont M. Collomb fut la plus importante, et la précarité d’un

dispositif qui ne pouvait que s’effondrer – a dû constituer artificiellement

ce vivier, ce qui l’a amené à quelques erreurs,

comme le recrutement de M. Benalla par M. Chaker. Propulsé,

il a dès lors dû puiser en un cet autre pan de l’oligarchie qui

avait elle aussi à défendre ses intérêts, n’avait pas les moyens

ni les relais des oligarques que nous avons mentionné, mais

cherchait à s’y lier, et bénéficiait d’une inscription au sein de la

technostructure qui servirait idéalement M. Macron.

L’affaire fonctionne ainsi en amont et en aval de Monsieur Macron.

Ludovic Chaker a été le relais invisible d’un dispositif couronné

par un certain Jean-Pierre Jouyet. Repéré et recruté par

Richard Descoings à SciencesPo, institution publique, au sein

d’un dispositif de pouvoir partiellement décrit par Raphaëlle

Bacqué dans son ouvrage Richie, lui aussi publié chez Grasset,

il y fut propulsé responsable de l’Asie, et y rencontrerait une

certaine Brigitte Taittinger-Jouyet, héritière de l’une des plus

importantes familles industrielles de France, recrutée à

57

SciencesPo pour, de dîner mondain en événement hippique

dans le petit Paris, alimenter en levées de fond les caisses de

SciencesPo, tandis que son mari, Jean-Pierre Jouyet, puissant

directeur du trésor devenu le très puissant directeur de l’Inspection

des Finances, puis le tout puissant secrétaire général

de l’Elysée, mobilisait ses réseaux pour soutenir Emmanuel

Macron, parfois à la limite de la légalité.

M. Jouyet a rencontré M. Macron suite à la sortie de ce dernier

de l’ENA, qui l’a vu être affecté au même « corps » d’origine que

celui de M. Jouyet, corps que ce dernier se trouvait par ailleurs

diriger. Intrigué par un jeune homme déjà soutenu par des

êtres plus puissants que lui et montrant une ambition sans

fards, M. Jouyet se décide à lui offrir l’intérim de la toute-puissante

Inspection des finances, alors que lui-même, qui se disait

pourtant socialiste jusqu’alors et le meilleur ami de François

Hollande13 était nommé secrétaire d’État aux affaires européennes

auprès de Nicolas Sarkozy. Cela a peut-être été dit,

mais si Emmanuel Macron s’est vu offrir pendant cette période

d’entrer au cabinet du premier ministre d’alors François Fillon,

c’est par le truchement de la même personne – Jean-Pierre

Jouyet – qui le ferait rentrer à l’Élysée sous François Hollande.

Ainsi vont les choses dans le petit Paris, sans égard pour les

« distinctions partisanes » que le peuple tenterait de mettre en

oeuvre, principe démocratique qui devient peu de chose

lorsqu’il s’agit de s’entraider et d’avancer entre amis. L’on commence

à comprendre d’où est né l’« en même temps » de Macron.

L’entourloupe qui fut utilisée pour enguirlander une population

entière ne fut que le prétexte à une fusion d’élites

jusque là éclatées, condensation d’intérêts au service d’une endogamie

galopante là où les journalistes les plus naïfs – ou les

plus compromis et confortablement instaléls en un système

qu’ils ne voulaient pas changer – présentèrent un signe de progressisme

et de modernité.

13 Qui lui avait lui-même cédé sa place à l’inspection des finances pour qu’il pût par la suite lui faire

la courte-échelle et qu’il retrouverait peu après

58

Il faut mesurer l’ampleur de la révolution que proposait M. Macron,

à l’heure où le système s’effondrait : garantir, contre l’inféodation,

une permanence des privilèges et des, là où les élites

se menaient jusqu’alors des guerres régulières, devant s’asservir

à l’un ou à l’autre tous les cinq à sept ans, se trouvant asséchées

et condamnées à chaque alternance, réduites à des périodes

de disettes, forcées à de périlleuses contorsions si elles

souhaitaient s’embrancher au nouveau pouvoir après avoir

servi le précédent. Comprenons maintenant la densité des

éloges que reçut Emmanuel Macron de la part de cette classe

émerveillée, en un processus inauguré par M. Sarkozy, qui savait

ce qu’il avait à compenser pour se faire accepter par ces

élites qui le méprisaient.

Mais nous nous précipitons, et à l’heure dont nous parlons, M.

Jouyet se contente de présenter M. Macron à sa famille et sa

femme – et par là-même à l’une des plus grandes dynasties financiaro-

républicaines du siècle – et à l’intelligentsia de

SciencesPo, dont M. Descoings est le directeur, SciencesPo

M. Macron se voit proposer, comme tout énarque sorti dans les

grands corps, d’enseigner un vague cours qu’il choisira de culture

générale pour y mettre pied. M. Jouyet donc, tenant d’une

idéologie libérale faisant les affaires de sa famille d’adoption,

premier initiateur de la stratégie d’écrasement des processus

démocratique qui pris, sous Sarkozy, la terminologie « d’ouverture

», et sous Macron, « d’en même temps », et que M. Hollande

ne sut endiguer, qui, outre l’introduction en les dîners en

ville donnés par sa femme, donne rapidement au jeune intrigant

la possibilité de placer et répartir ses camarades de cordée

à l’IGF, violant pour cela la coutume – seul le major, que Macron

n’était pas, a normalement droit à ce privilège – avant de le

faire nommer à Bercy après l’avoir introduit à l’Élysée via

Jacques Attali.

Jacques Attali dont Emmanuel Macron avait été nommé le rapporteur

de la mission éponyme par la grâce de ce même M.

Jouyet, afin d’être introduit auprès du gotha économique et financier

du pays secondaire – c’est-à-dire celui qui se trouve en

59

seconde file, et dépend ou se soumet avec grande régularité aux

fortunes que nous avons évoqué – et de, marri de ce carnet

d’adresses, se faire recruter chez Rothschild, d’y faire fortune

en mobilisant les contacts que la commission Attali venait de

lui attribuer, pour préparer sans angoisse cette même intronisation

politique que M. Jouyet venait d’anticiper sans le savoir

et autoriserait peu après – le tout tandis que M. Hermand finançait

sa vie privée.

M. Jouyet donc, dont la femme, Brigitte, outre ses excellents talents

d’entremetteuse et d’héritière, exerce à SciencesPo à

quelques pas d’une certaine Edith Chabre, recrutée et nommée

directrice de l’école de droit par Richard Descoings, et dont il

se trouve probablement par hasard là aussi qu’elle est à la ville

la femme d’Edouard Philippe, alors maire du Havre qui, sans

que l’on comprît s’il rendait par là service à Richard Descoings

et sa femme Nadia Marik qui avaient recruté sa femme à lui ou

l’inverse, financerait la création d’une antenne de SciencesPo

dans sa ville et inaugurerait plus tard une stèle en hommage à

Richard Descoings où je sreais convié en présence de Nadia Marik

et probablement – ma mémoire défaille, de Ludovic Chaker

– Nadia Marik devenue entre-temps veuve de celui qui avait été

à la ville l’amant de Guillaume Pepy, patron de la SNCF et relais

oligarchique secondaire et assurantiel de gauche, devenu via

l’amour de sa vie Richard Descoings très proche de Jean-Pierre

Jouyet, et par là-même intronisateur dans le grand monde de

Laurent Bigorgne, propulsé président de l’Institut Montaigne

après avoir été considéré comme le successeur de Richard Descoings

– Laurent Bigorgne dont la femme déposerait les premiers

statuts d’En Marche à la Préfecture, En Marche, domicilié

chez eux dont Ludovic Chaker, nous l’avons vu, serait le premier

secrétaire général, Laurent Bigorgne, chargé de rallier le

CAC40 à la Macronie et de mettre au service de M. Macron l’Institut

Montaigne, institut théoriquement neutre inondant l’espace

public d’analyses néolibérales faisant les affaires des oligarques

le finançant, par ailleurs vice-président de l’association

Teach For France créée par la soeur d’Alain Weil et récupérée

par Nadia Marik, au comité d’administration où siégeaient

60

notamment Maurice Levy, PDG de Publicis, Emmanuelle Wargon,

alors directrice du lobbying chez Danone et Patricia Barbizet,

PDG de Artemis – la holding de François-Henri Pinault,

l’on commence à comprendre pourquoi Le Point aurait été là

aussi réticent à nous publier, même si l’on se retiendra à cet

instant de détailler à quel point elle fut, sans que la famille Pinault

ne le comprit tout à fait, le relais du pouvoir en ces eaux

là, ce qui expliquerait son éviction ; Laurent Bigorgne donc,

homme de droite intronisé par Richard Descoings dans le gotha,

ex-futur successeur de Richard Descoings jusqu’à ce que

son décès force à la nomination de Frédéric Mion pour cacher

la poussière, ayant amené à Teach for France Maurice Levy,

PDG de Publicis et présenté comme un conseiller d’Emmanuel

Macron pendant sa période ministérielle14 ; Patricia Barbizet,

femme la plus puissante de France et proche amie de Brigitte

Taitinger-Jouyet, et donc Emmanuelle Wargon, depuis nommée

secrétaire d’Etat d’Edouard Philippe après ses fonctions

d’influence chez Danone, comme ce dernier en avait occupées

chez Areva, après avoir été présentée par Nadia Marik à Edith

Chabre, et à Edouard Philippe par Edith Chabre.

Edouard Philippe donc, inconnu au bataillon, n’ayant aucun fait

de gloire à s’attribuer depuis sa réussite au concours de l’ENA,

proche par ces réseaux des Jouyet, dont on ne sait si la femme

fut recrutée pour rendre service à son mari ou pour rendre service

à ses recruteurs, présenté à Emmanuel Macron par Jean-

Pierre Jouyet via leurs femmes respectives, devenu Premier

ministre de ce fait alors qu’il était la veille encore lui aussi inconnu

du grand public, mais dont on tenterait pendant des

mois, par suivisme plutôt que par complot, lourdement, de vanter

les talents pour justifier a posteriori ce que personne ne

comprenait – les journalistes ne supportent pas exposer leur

ignorance, et préfèrent, dans le doute, glorifier leurs sujets afin

de s’assurer que cela ne leur sera pas reproché – tandis que l’on

nommait Jean-Pierre Jouyet en l’une des plus prestigieuses ambassades

de France, à Londres, pour le remercier et l’écarter.

Et pour couronner le tout, pour relier tout ce beau monde,

14 https://www.challenges.fr/challenges-soir/comment-macron-a-tres-habilement-sature-l-espacemediatique_

414866

61

SciencesPo donc, utilisé pour financer et mettre en oeuvre un

système népotique n’ayant rien à envier aux oligarchies financières

qui se mettrait au service de M. Macron afin de lui permettre

de servir ces dernières, mais aussi son excroissance,

Teach For France donc, pépinière employant Catherine Grenier-

Weil, soeur d’Alain Weil, patron de BFM TV et de RMC, affidé

à Patrick Drahi et devenu proche là encore d’un certain Emmanuel

Macron ; Teach For France qui permettra d’introduire

dans la macronie un certain Jean-Michel Blanquer, ancien serviteur

de Sarkozy qu’Edouard Philippe nommerait ministre de

l’éducation après que Descoings ait pensé à le nommer directeur

de cabinet lorsqu’on lui proposat de devenir ministre.

Aviez-vous entendu parler auparavant d’un quelconque de ces

noms, pourtant piliers des bascules oligarchiques de notre

pays ? Aviez-vous été surpris de leurs nominations successives

au gouvernement et ailleurs encore ? Voilà qui commence à

s’éclairer.

Et l’on pose la question qui fâche, qui devrait fâcher un quelconque

des lecteurs de ces « grands médias » qui prétendent

exposer la vérité : Edouard Philippe a-t-il doncété véritablement

pour la première fois été introduit à M. Macron dans

l’entre-deux tours, comme cela nous a été si heureusement raconté

et re-raconté, et a-t-il été propulsé Premier Ministre du

fait de ses seuls mérites et de ce poids politique que l’on a du

jour au lendemain inventé, ou plutôt par le fait de son entregent

et sa capacité à servir et se laisser servir, sa participation à cette

pauvre et avariée endogamie depuis des décennies – qui permet,

par les simples avancements qu’autorise le système républicain,

de vous faire gagner du poids par inertie – comme il le

fit, grassement payé, lorsqu’il passa chez Areva alors qu’il était

déjà conseiller d’Etat pour mettre au service de l’entreprise ses

réseaux d’élu, au moment où la dite entreprise plongeait dans

un scandale de corruption et de rétrocommissions Uramin qu’il

fallait absolument étouffer afin de sauver le soldat Lauvergeon,

scandale qui fit disparaître près de 3 000 emplois et 1,8 mil62

liards d’euros des caisses de l’État en des destinations inconnues,

et qui n’a, dix ans après, toujours pas amené qui que ce

soit à se trouver en prison ? Rions.

En ces espaces où l’on vogue de la gauche à la droite en passant

par le centre, indifférents aux suffrages et satisfaits seulement

d’une apparence d’adhésion aux clivages qui traversent la société

pour mieux la diriger – l’on ne rit pas lorsque l’on parle de

démocratie. Et pourtant, combien on le pourrait. Il faudrait

pour cela avoir conscience qu’au-delà de piller pour soi, ces

gens pillent pour des tiers, ce qui n’est probablement le cas. Ces

êtres sans pensées eussent-ils eu conscience qu’ils n’étaient

que les bons soldats d’intérêts, et alors ces troupes fidèles d’un

pouvoir que d’autres avaient propulsé et financé auraient peutêtre

réagi. L’ensemble de ce dispositif repose sur une

croyance : celle qui fait que l’ordre économique que l’on défend,

et dont on sait à quel point pourtant il est injuste et destructeur

pour la société, serait suffisamment juste pour autoriser

ces compromissions et se sentir confortable dans le pillage

ainsi constitué. Macron intervient en ces lieux comme le défenseur

idéal de ce modèle, l’épitomé de la prétention à sa neutralité,

ce qui explique la machinerie qui se mit en branle pour susciter

l’adhésion de l’État et milles invisibles relais qui l’appuieraient

sans mot dire l’ait fait de bonne grâce : voilà de toutes

façons un être qu’il s’agissait d’exploiter pour se placer et prolonger

ces jeux qui menaçaient de s’effondrer.

*

En ces espaces où l’on appartient tous aux mêmes corps – l’expression

en soi dit tant - les salaires, assurés par l’Etat directement

ou par le pillage de l’Etat lorsque ce dernier n’y arrive

plus, c’est-à-dire via les pantouflages, sont confortables et

constants, permettant de protéger en cas d’échec aux élections,

se montant à six ou sept chiffres, et étant complétés par les af63

faires du conjoint quand l’autre doit attendre et stagner, les allers-

retours entre public et privé garantissant, contre quelques

menues compromissions, assurant à tout instant un confort dénué

de contenu et d’engagement, la protection d’une position

privilégiée. Qu’importe que ce système ait fini par user la puissance

publique jusqu’à l’évider. Que la période balladurienne,

qui fut la plus violente à cet égard, et que seul Macron s’est décidé

à singer, épuiserait tant les ressources que toujours moins

de haut-fonctionnaires parviendraient à s’y instituer. Jean-

Pierre Jouyet, maître de toutes ces compromissions, a tenu

l’édifice jusqu’à l’offrir à M. Macron.

Cette confiance que l’on se fait n’a rien de politique ou d’idéologique.

Elle n’est pas même machiavélique : habitués au secret

des alcôves, l’on y sait que la trahison de l’un exposerait la compromission

de l’autre, et par ricochets, provoquerait une chute

entière que ces êtres, qui n’existent que par ces compromissions,

ne seraient et n’auraient autrement rien fait de leur vie,

ne sauraient tolérer. Comment en ces circonstances penser aux

principes démocratiques et même à l’idée de politique, alors

que l’État apparaît avant otut comme un simple outil pour reproduire

le même, les héritages et les positions en stabilisant

la nation et en permettant son exploitation - c’est ce qui explique

l’atroce impression de délavé que tous ne font que nous

renvoyer ? En des lieux où l’on se tient et se regarde en somme,

se cooptant et se façonnant à travers les années afin de s’assurer

de la préservation d’un monopole sur le bien commun que

l’on s’empêche de penser, M. Macron est apparu comme une

idéalité. Et, pour servir autant que pour se servir, pour prolonger

ce système tout en donnant des gages de crédibilité à l’appareil

qu’il s’apprêtait à piller, il s’en est retrouvé à nommer un

premier ministre du fait de ces rapports d’endogamie avariés.

*

Où tout cela nous mène-t-il ? A Ludovic Chaker donc qui, après

avoir à SciencesPo supervisé la création du campus asiatique

au Havre, avoir été le premier secrétaire général de son parti,

64

se voit chargé par le nouveau président de créer sa « garde prétorienne

» après avoir été recruté par M. Descoings et introduit

à tout ce beau monde par ce dernier. Ludovic Chaker donc, l’alter

ego d’Alexandre Benalla, arrivé au plus haut de l’Etat pour

protéger l’intimité de tous ces gens et détruire celles de ceux

qui les menaceraient, intimité élevée par la préséance bourgeoise

au titre de valeur sacrale tant qu’elle ne peut servir le

pouvoir d’une façon ou d’une autre, menaçant qui la compromettrait,

alimentant le pouvoir et par ricochet la presse pour

couvrir tous ces réseaux et leurs compromissions. Ludovic

Chaker donc, au rôle obscur nous y a mené, point de jonction

rhétorique de tout cela via Ismaël Emelien, le très discret « conseiller

spécial » de Macron, ayant officié chez Havas où il rencontrerait

sa conjointe, y travaillant encore alors qu’il ferait attribuer

à son ancien employeur, violant la loi, un marché de

plus de 300 000 euros sans appels d’offre au nom du ministère

de l’économie, de notre ministère de l’Economie, pour lancer la

campagne officieuse de Macron à Las Vegas, en un événement

pluridinaire dont le seul objectif était de marquer la presse et

de faire connaître le Président. Opération construite ex nihilo

grâce à un subterfuge dont se ferait complice Business France,

agence de l’État permettant tous ces débordements, violant à

dessein la loi sur de sa dirigeante d’alors, une certaine… Muriel

Penicaud15.

Ismaël Emelien qui, cela n’a encore une fois pas été raconté,

rencontre Emmanuel Macron lors d’un voyage en Amérique Latine

organisé par la Fondation Jean-Jaurès, fondation financée

sans raison par la puissance publique, pour accompagner Laurent

Fabius, à qui M. Macron s’offre un premier temps, avant

d’hésiter avec Fillon puis de s’offrir à M. Hollande. Fondation

Jean-Jaurès alors dirigée par Gilles Finchelstein, directeur des

études à Havas, détenue par Vincent Bolloré, agence récipiendaire

des contrats que son ancien employé Ismaël Emelien lui

octroierait au nom de l’Etat une fois nommé conseiller de M.

Macron à l’Elysée, où M. Emelien travailait en parallèle à Havas

– après tout, un mélange des genres n’en exclue pas un autre –

et qui se mettrait au service de M. Macron.

*

Tout cela gêne tant, en un tel système, que la question de la légitimité

des recrutements devient secondaire, tant on voit à

quel point ils sont conditionnés par des réseaux d’allégeance et

de contre-allégeance qui retirent toute autonomie aux individus.

Si nous traçons ces réseaux, nous pourrions le faire également

de ceux des directeurs de rédaction et pontes de journaux

qui répondent à de similaires logiques. Edith Chabre a fait une

obscure école de droit privé avant d’être diplômée de

SciencesPo Lille, et la voilà propulsée directrice de la toute

puissante école de droit de SciencesPo au moment où son mari

décide d’accorder à SciencesPo des aides importantes. Nadia

Marik était au tribunal administratif, et la voilà directrice adjointe

de SciencesPo après avoir été recrutée par son futur conjoint,

avant de prendre la tête de Teach For France avec l’aide

du gotha parisien pour en faire avec Laurent Bigorgne le point

de rencontre de tout ce que la macronie demain défendra. Ludovic

Chaker avait un parcours interlope, et comme Alexandre

Benalla, le voilà propulsé au sein des cénacles chargés de superviser

et d’instruire les services secrets de l’Etat. Catherine

Grenier-Weil avait une obscure carrière d’assistante de recherche

avant de prendre la tête de Teach for France, et quant

à Emmanuelle Wargon, il serait absurde de penser que sa présence

au gouvernement ait eu quoi que ce soit à voir avec son

amitié intime avec Nadia Marik et le couple Philippe, Laurent

Bigorgne ou Brigitte Taittinger, bien que sa nomination eut

provoqué quelque surprise tant la présence d’une énième lobbyiste

sans parcours politique au coeur de l’État commençait à

inquiéter. Et nous nous en tenons là aux réseaux horizontaux,

car lorsque la belle-fille de Jean-Pierre Jouyet est nommée directrice

adjointe au Quai Branly à 25 ans, cela fait aussi peu de

bruit que lorsque le fils de Le Drian, ministre socialiste devenu

macronien par des biais qu’il nous faudra là encore un jour exposer,

est nommé à l’un des plus importants postes de la Caisse

66

des Dépôts à moins de trente ans. Ici, les gendres et oncles, neveux

et grands-parents se passent le relais depuis plusieurs générations

: le talent se transmet par transmutation. Les recrutements,

amours et alliances se font selon les critères de fortune

et de pouvoir, les faisant et défaisant sous le regard bienveillant

des grandes fortunes les finançant.

*

Tout cela, ces petits entre-gens et jeux de ville nous aura été

dessiné, déguisé, masqué par une presse rendue complice de

façon à nous faire croire à une fable populaire où les enjeux démocratiques,

les questions de programme et d’engagement, le

choix du peuple enfin primaient d’une quelconque façon. En un

système qui fut dans les faits couvée par le triumvirat Arnault-

Niel-Lagardère, chargés de propulser des vaillants soldats sélectionnés

par Emmanuel Macron, dont M. Philippe serait le

plus docile et le plus recommandé, par la grâce notamment

d’une introduction par le truchement de Taittinger et Jouyet,

parfait alliage de l’aristocratie d’Etat et la bourgeoisie du pays

cherchant en de jeunes intrigants la sève autorisant leur reproduction,

l’ensemble s’assurant de son invisibilité, puis de sa

confirmation sous forme d’élection, avec la bienveillante attention

d’une certaine Mimi Marchand et des hommes de main

précités, nous peinons cependant quelques peu à découvrir où

la démocratie tend à s’infiltrer. L’on comprend mieux maintenant

pourquoi, après une intervention cataclysmique où se

jouait ce régime, lors de laquelle M. Macron annonçait qu’il demanderait

aux patrons de verser une prime à leurs salariés,

Messieurs Niel, Drahi, Levy et Richard – ce dernier ayant été

sauvé par M. Macron après avoir été conseillé chèrement par

M. Emelien, annonceraient immédiatement et de façon quelque

peu piteuse leur soutien au président en proposant une prime

exceptionnelle visant à masquer l’absurdité d’une telle proposition.

Mimi Marchand dont on découvre qu’après avoir protégé et

élevé tous ces êtres dès lors qu’ils risquaient – par l’effet d’une

67

exposition publique – de se trouver dénoncés, a depuis l’été

2018 pour nouveaux clients – il n’y a en ces affaires nuls contrats,

comme le rappelle l’ouvrage dont nous parlions, mais des

signatures qui se devinent et des mots qui leurs échappent afin

d’éviter toute compromission – deux jeunes noms, Gabriel Attal

et Benjamin Griveaux, dont nous nous apprêtons maintenant à

conter l’histoire, cette fois à temps. En ces espaces, l’on ne perd

pas son temps.

Il aurait fallu bien entendu, pour compléter le tableau, s’introduire

dans les réseaux de la bourgeoisie d’Amiens, l’aisance et

la force du père d’Emmanuel Macron, Jean-Michel Macron, Professeur

de médecine au CHU d’Amiens, mais surtout de la famille

Trogneux, dont les alliances plus encore que la puissance

financière ont été déterminantes pour accompagner les débuts

d’un pouvoir qui, à travers les soutiens des baronnies locales et

notamment celles de Messieurs Collomb et Le Drian, Patriat et

Ferrand, aura compensé un temps son absence d’assise sociale

par le tissage d’un réseau de solidarité et de redistribution de

prébendes crapuleux, tenant les territoires secondaires, mais

qui, n’ayant pas été institué par ce pouvoir, se déliterait à la

première difficulté. Il aurait ensuite fallu comment à partir de

tout cela, à travers Laurent Bigorgne et le clan Descoings, puis

la revue Esprit et le groupe de réflexion Terra Nova, le journal

Le 1 financé par le millionnaire Henry Hermand16 pour, comme

l’admettrait publiquement son directeur Eric Fottorino, soutenir

M. Macron – l’on organiserait la mobilisation des ressources

intellectuelles, politiques et financières autour du futur Président

pour « substantialiser son pouvoir » et faire admettre sa

cooptation aux élites secondaires, alors que tombaient ses concurrents

entre affaires de corruption et luttes fratricides éberluées.

Il faudrait raconter à chaque fois les mille et une compromissions

honteuses visant à berner le public à travers des journalistes

toujours moins indépendants, habillant cet entrelacs

d’intérêts visant à propulser une coquille vide en quelques

16 Qui en finançant la vie privée d’Emmanuel Macron s’assurerait que son poulain ne se compromettrait

jamais personnellement auprès de l’un de ses protecteurs et pourrait arriver avec l’apparence d’absence de

corruption à la tête de l’État

68

mois sans ne jamais l’exposer, malgré les évidentes compromissions

de ces sous-élites censées nous en protéger. Il faudrait

raconter ce colloque de Terra Nova organisé à Lyon par

Marc-Olivier Padis, qui deviendrait directeur de la vénérable

revue Esprit, qui pris tant des allures de meeting qu’il lui fallut

annuler au dernier moment la prestation de Macron pour laquelle

il avait pourtant été organisé. Il faudrait enfin montrer

comment tous ces réseaux secondaires chargés de faire la propagande

de ce pouvoir naissant dans l’incompréhension du public

utilisèrent les ressources de l’Etat pour le corrompre, faire

des cabinets ministériels des machines à récolter des fonds au

service d’une ambition, Ismaël Emelien utilisant les fonds de

l’État non seulement pour attribuer des contrats sans appel

d’offres de plusieurs centaines de milliers d’euros à son ancien

employeur, Havas – propriété d’un certain… Bolloré -, où sa

concubine se chargeait de les dépenser au service de la communication

personnelle de M. Macron, mais aussi pour mobiliser

les six conseillers ministériels chargés de la communication

de M. Macron, confortablement payés par la puissance publique

pour organiser des événements avec M. Séjourné, conviant

ensuite les mêmes invités à des levées de fond – permettant

d’obtenir de 900 personnes près de 7 millions d’euros et

ainsi, en respectant formellement la législation, propulsant M.

Macron. Il faudrait les décrire, ces Bruno Tertrais, chargés

d’élaborer à la hâte un programme destiné à vendre l’opération

au grand public, interrogés suite à l’élection par Le Monde

comme des experts indépendants sur ces mêmes questions

pour juger de l’action de M. Macron…

Et enfin il faudrait montrer comment tout cela a fabriqué un

candidat au service de quelques-uns, incapable d’agir de façon

autonome, ni d’élaborer une pensée, mais seulement de distribuer

des prébendes, enfin : de se vendre au plus offrant, en détaillant

par le menu l’ensemble des compromissions qui, de distributions

de poste en instructions judiciaires en passant par

attribution de mandats de négociations ont permis à tout ce

système de tenir à prix coûtant, tandis que le peuple exsangue

tenu loin de ces informations, subissait et se voyait piller

jusqu’à, épuisé, finir par se rebeller.

69

Et comment ceux-là mêmes alors dénonceraient les violences,

chercheraient à écraser moralement ceux qu’ils avaient

jusqu’ici exploité jusqu’à les essouffler et les dévaster.

Mais ce serait rejouer une bataille perdue par la démocratie. Le

journalisme a longtemps fonctionné comme une balance, prenant

à droite ce que la gauche rejetait, et vivant de ce mouvement

de pendule qui incite à la paresse et à la connivence. Cela

a donné l’impression aux plus naïfs d’entre nous de vivre en

démocratie, malgré l’inexistence d’une presse libre, l’omniprésence

d’un système de dépendances n’ayant à envier aux plus

honnis des autocrates si ce n’était sa capacité à régulièrement

alterner les rapports politiques, ce que M. Macron a fini par dévaster.

La chose était simple : jusqu’alors, en un jeu qui tournerait

bientôt au massacre, chaque passage auprès de la raison

d’Etat17 permettait aux hommes politiques de constituer leurs

réseaux d’affidés et de recueillir des informations précieuses

qui étaient par la suite disséminées avec soin auprès des journalistes

– le Canard Enchainé en étant le véhicule privilégié.

Alors que chaque alliance rompue du fait d’une ambition frustrée

apportait au système médiatique son lot d’anecdotes qui

permettait aux journalistes de se libérer ponctuellement de

leurs emprises et de « travailler » pour servir enfin leur pays,

Macron a un temps sidéré tout cela en surgissant d’un néant

qui, unifiant des réseaux de connivence jusque-là inféodés à

différents partis, paralyserait nos fantassins de la liberté, soudain

forcés de se mettre à travailler. Petits soldats et grands

noms du journalisme, rares enquêteurs qui encore demeuraient,

inféodés ou non à un pouvoir, n’ont en ce temps court

plus même réussi à récolter les miettes que jusqu’alors on leur

accordait, et reconstituer une part d’un fonctionnement qui

prétendait encore laisser au peuple un rôle pourtant on le découvre,

parfaitement inexistant.

 

 

Dévastée, et vilipendée, méprisée par ses camarades lorsque

l’une de ses rares héritières ose s’affirmer, la presse indépendante

vivant du rapport direct au lecteur, c’est-à-dire de ses

ventes et donc d’une nécessité d’engagement, cette presse

d’opinion rendue rageuse par la concurrence et la nécessité de

survivre, a depuis trop longtemps laissé place à un système où

vassalité et de subventions qui ont à leur tour fait naître la vanité.

Devenue la norme, produisant de Christophe Barbier à

Frantz Olivier Gisbert, du Monde Magazine à Vanity Fair, des

dispositifs servant l’adhésion aux valeurs les plus dominantes

sans ne plus iren interroger, écrasantes et conformées de notre

époque, cette presse s’est épuisée et conformée aux dominants.

Si le « en même temps » d’Emmanuel Macron » n’a pas permis

une respiration démocratique, c’est bien parce qu’il en désactivait

le principe actif, achevant l’illusion d’un fonctionnement

républicain qui, d’alternance en alternance, permettait ponctuelle

d’octroyer quelque respiration à des populations enfin

informées des jeux qui dans leur dos s’établissaient, et capables

à la marge de peser.

*

Il ne faudra pas s’étonner des conséquences terribles que tout

cela suscitera, alors que M. Macron a décidé de condenser ces

réseaux dans le seul but de nourrir ceux qui l’ont institué. Et ne

pas s’étonner que la seule alternative à un pouvoir toujours

plus autoritaire consiste en la possibilité de son effondrement.

Reste maintenant à se projeter, et alors que la macronie vacille

et entre en son crépuscule, à lire et décomposer à temps l’un

des champignons naissant sous les intérêts des puissants, pour

ne lui laisser aucune chance de prospérer et de reproduire le

système jusqu’alors instauré. L’émergence de l’un de ces sbires

de l’oligarchie – égal en arrogance, conformisme et ambition à

son aîné – un certain Gabriel Attal, compagnon à la ville de Stéphane

Séjourné, conseiller politique d’Emmanuel Macron, et

71

déjà très introduit dans tous ces réseaux, par le même fonctionnement

qui a permis l’intronisation de ses aînés, doit être exposée.

Un jeune homme de vingt-neuf ans que tous ont déjà le

tort de minorer, et dont l’exposition en première ligne pour

combattre les revendications d’un peuple révolté devrait faire

signe et nous inquiéter.

Un être auquel, si nous croyions les apparences formelles de ce

système, nous nous apprêterions à accorder bien trop d’importance

et d’attention par rapport à celle qu’il mériterait, mais qui

pourtant permet non seulement de comprendre ces systèmes

que nous venons de révéler, mais aussi s’apprête à les perpétuer.

Rappelons à cet égard un fait concernant celui qui est devenu,

avec la même grâce que M. Macron lors de son élection,

le plus jeune ministre de la Ve République : alors que sa relation

– pourtant officielle, déclarée à la Haute Autorité à la Vie

Publique et contractualisée par un PACS – avec le conseiller politique

d’Emmanuel Macron était exposée par nos soins, et que

par là-même risquaient d’être dévoilés les systèmes de solidarité

de tout un pan du nécrotique pouvoir de M. Macron, un être

interlope intervenait auprès de Gala pour faire effacer deux articles

parus à ce sujet. Nous étions alors en octobre 2018, en

France, un mois après la parution de Mimi.

Et l’être qui intervenait, encore suffisamment puissant pour

faire disparaître des informations, cet être-là avait un nom.

Et ce nom était Marchand.

Ce que nous apprêtons à révéler, c’est donc bien la fable d’un

individu qui, né au coeur des réseaux ci-exposés, s’apprêtait à

en devenir le relais nécessaire autant qu’évidé et évidant, servant

des pouvoirs pourrissants à l’instant même où ils se seront

montraient mourants. En remontant les temps et en nous projetant

en amont de la constitution du pouvoir qui actuellement

nous étreint, cette excursion nous permettra de comprendre

comment ces destins se forment aux berceaux, ce qu’ils disent

de nos sociétés, et comment tout argument lié à une compétence

ou un talent, une innéité qui dès leur plus jeune âge aurait

justifié la stellaire propulsion qui par la suite leur sera accordée,

ne saurait être invoqué pour en expliquer les fondements.

16 octobre 2018. Gabriel Attal, 29 ans, est nommé par le président

de la République, sans annonce au perron, secrétaire

d’État auprès du ministre de l’éducation, en charge de la jeunesse.

18 Dont le portrait flagorneur et évidé, dont l’auteur est Alexandre Lemarié, dit beaucoup de l’effondrement

du journalisme politique en notre pays. https://abonnes.lemonde.fr/gouvernementphilippe/

article/2018/10/16/gabriel-attal-secretaire-d-etat-aupres-de-blanquer_5369998_5129180.html?

74

Mais d’où provenait un tel

aplomb et une telle assise que rien ne semblait venir nourrir

sur le fond ?

*

20 21 avril 2018, https://www.youtube.com/watch?v=j9gvmwVPzd0

76

L’être dont il est question est insignifiant, comme la plupart des

cadres de la macronie.

*

Les crimes ont toujours leurs lieux, et celui où est né notre sujet

n’est pas des moins insignifiants. Sise au sein du sixième arrondissement

de Paris, l’École Alsacienne est dirigée par un aimable

homme de droite, Pierre de Panafieu. Pendant rivegauche

de Franklin – où enseigna Brigitte Macron –, Sainte-Dominique

et l’école bilingue, l’Alsacienne est lieu de reproduction

et de propulsion des héritiers de l’intelligentsia culturelle de

Paris, auxquels s’ajoutent au fil des promotions quelques supplétifs

provenant des espaces politiques, économiques et diplomatiques

de notre pays.

77

Ainsi, à quelques pas du lieu où M. Attal a fait sa scolarité, Stanislas

revendique une stricte discipline nourrie par une tradition

catholique surannée, tandis que Notre-Dame-de-Sion s’attribue

les héritiers les plus irrécupérables, se chargeant de les

mener à bon port, cahin-caha, c’est-à-dire à une diplomation

minimale qui ne fera pas honte en société. Un peu plus loin,

dans l’Ouest parisien, Saint Dominique lutte féroce avec Saint-

Louis de Gonzague et la bilingue, mais aussi outre-frontières

avec le lycée Charles-de-Gaulle de Londres, pour récupérer les

grandes lignées des bourgeoisies financières et noblesses historiques,

sous le regard attentif de Janson-de-Sailly, qui réussit

l’exploit, avec quelques autres lycées publics, dont Saint-Louis,

qui met en avant son excellence scientifique, de tenir tête à ces

lieux de reproduction sociale en attirant les plus brillants des

garnements du seizième arrondissement. Ailleurs enfin,

quelques lieux, comme le lycée de la légion de l’honneur, achèvent

un tableau par nécessité incomplet.

78

Survivre et se distinguer en un tel environnement est une gageure.

Offrant

la possibilité d’y faire toute sa scolarité, de la troisième de

maternelle jusqu’à la terminale, l’école pêche certes par l’absence

de prépa, du nom de ces classes post-bac réservées de

facto aux plus aisés de la République, nourries par des moyens

doublant ceux des universités et garantissant aux héritiers de

la bourgeoisie sinon l’accès à des écoles là encore sur-financées,

du moins la possibilité de prolonger de deux ans leurs études

en un environnement hors du monde, afin de s’offrir les codes

nécessaires à leur pleine intégration en la société.

Cela est une faute qui dégrade quelques peu la réputation d’une

institution qui a par ailleurs tous les atouts pour dominer ces

mondes. En ces lieux où l’on ne sort le plus souvent jamais des

beaux quartiers, il n’est pas étonnant d’entendre tel ou tel élève

dire, aux abords de la terminale, qu’il n’a jamais connu « la banlieue

79

*

Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

 

 

En la seule promotion de 2007, dont sera issu Gabriel Attal,

pouvaient se trouver ainsi la petite fille de Valérie Giscard d’Estaing

et fille du PDG du Club Med, celle du PDG d’Archos, par

ailleurs soeur du bientôt patron d’Uber France, l’un des héritiers

Seydoux, la fratrie issue des producteurs de cinéma Godot,

les lointain héritiers des généraux Delattre et de Hautecloque,

la grande lignée des de Lastours, la fille du patron de presse

Bernard Zekri et celle du fondateur d’A.P.C Jean Touitou, le petit

fils du « patron des banques », Michel Pébereau, la fille du

Président de l’American University of Paris Gerardo Della Paolera

et ainsi de suite. Des grands cadres d’entreprises du CAC40,

avocats et autres hauts-fonctionnaires à l’UNESCO, le fils du

82

proviseur d’Henri IV ainsi qu’une petite minorité de descendants

d’artistes, de professeurs et de classes intellectuelles

dites laborieuses complétaient un environnement que les promotions

environnantes enrichissaient naturellement : Olivennes,

Bussereau, Breton et autres patronymes de ministres

et hommes et femmes tout puissants sont, comme tous et à l’exception

peut-être des Huppert et Scott-Thomas eux aussi présents,

des noms auxquels, dans la banalité de l’entre-soi, plus

personne ne prête attention.

83

On l’aura compris, M. Attal, que l’on appelle encore en ces lieux

Gabriel, provient de ces mondes, et en particulier de la nébuleuse

qui, depuis la maternelle y a été scolarisée, et qui, au sein

de ce monde, fait partie des plus aisés. Le cumul de capital social,

économique et symbolique que vont lui offrir ces années

*

 Aaaaaaaaaaaaa

 l’homme sans expérience

va se mettre sous l’autorité d’un certain Benjamin Griveaux,

élu du conseil général de Saône et Loire et futur-exmaire

de Chalon, « proche ami » d’un certain Bernard Mourad,

et ancien strauss-khanien. L’ami d’Ismaël Emelien est un appa102

ratchik socialiste pur jus qui, recruté comme conseiller politique

et gagnant déjà, sur fonds d’État, plus de 10 000 euros par

mois, n’hésitera pas à partir en 2014 au sein d’Unibail Rodinco,

rémunérateur pantouflage à près de 17 000 euros par mois, octroyés

par l’une de ces entreprises dépendantes de la commande

de l’État qui finance grassement des « pantouflards »

contre la mise à disposition des réseaux et connaissances que

aaaaaaaa

C’est alors qu’intervient le « miracle Macron », permis par les

réseaux que nous avons décrits, l’appui de l’inspection des finances,

de Jean-Pierre Jouyet et du duopole Niel-Arnault, au

mépris de toute démocratie. Creux incarné sans autre trajectoire

que celle consistant à servir son ambition, et prêt à spolier

le bien commun au service de ceux qui pourraient le servir, issu

du lycée jésuite La Providence qui joue un rôle similaire à celui

de l’Alsacienne à Amiens, ayant bénéficié de l’appui d’un père

alors tout puissant et de la famille Trogneux, flambant héritier

de la bourgeoisie provinciale maîtrisant l’ensemble des

rouages de la « méritocratie républicaine » ayant séduit Hermand

comme il le ferait de Jouyet, Emmanuel Macron s’est vu,

malgré son double échec à l’ENS Ulm, lui aussi propulsé en

quelques années au sein du gotha qu’il arrive à convaincre de

le soutenir alors que s’effondrent l’ensemble des candidats du

système, de Fillon à Juppé en passant par Hollande, Valls et Sarkozy.

D’une jeune garde qu’Emelien saura lui apporter.

*

L’ambition sans contenu du nouveau ministre, dont la seule

Bbbbbbbbbbb

 

Les années socialistes sont écartées, et revient la véritable pensée

d’un être construit et institué par et pour le service de sa

classe, qui comme Macron n’a plus de raison de le masquer. Il a

à peine le temps de voter contre l’interdiction du glyphosate

après avoir déclaré publiquement vouloir son interdiction32,

appuyer la proposition de loi contestée sur les fake news, décrire

le gouvernement italien comme étant « à vomir »33 et

d’appeler à la mobilisation contre le « momo challenge »34, que

l’attend l’étape d’après. Se présentant moins d’un an après son

élection, à seulement 28 ans, à la présidence du groupe parlementaire

majoritaire de son pays, Attal ne retire sa candidature

qu’une fois assuré que quelques semaines plus tard, un ministère

lui sera octroyé. L’Elysée vient de lui offrir les réseaux de

Mimi Marchand, enclenchant une campagne de propagande vi-

sant à préparer et légitimer a posteriori sa nomination au gouvernement.

Gabriel Attal, depuis ses vingt-trois doté d’un salaire

de près de six mille euros par mois

Lorsque, le 16 octobre 2018, il est nommé Secrétaire d'État auprès

du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse,

avec les attributions budgétaires et politiques qui vont avec, en

charge de la mise en oeuvre du service universel, il est peut-être,

avec son conjoint, le seul à ne pas être surpris.

 

*

Alors que le peuple bruisse, achevons cette fable par cette

simple affirmation : ces êtres ne sont pas corrompus car ils sont

la corruption.